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Fonte Joncosa | les héritiers du Désert

Carnet d'exploration de Fontjoncouse

Dans les pas de Jean l'Hispanus et de ses descendants,
sur les terres de Fontjoncouse au Haut Moyen Âge
(793-963)

Ceux qui vinrent avec eux et occupèrent ces lieux déserts, tout ce qu'ils avaient cultivé sur les terres incultes, ils devaient les posséder sans aucun trouble, eux et leur postérité.


De mes lectures des travaux de Philippe Depreux et Philippe Sénac
Explorations et photographies
de AC & Ma Clape
Remerciements à notre guide à Tolède: Nieves Ugalde Brochon

Introduction au carnet

L'idée centrale de ce carnet a surgi lors d'une exploration du territoire de Fontjoncouse, qui accueillit sur ses terres un groupe de réfugiés espagnols (Hispani) à l'époque carolingienne.
Malgré les siècles qui nous séparent, est-il possible d'appréhender et de retrouver ces territoires d'avant à la lumière des anciens écrits? De quelle manière cette lignée, celle de Jean l'Hispanus arrivé là vers 793 à Jean, dernier héritier en 963, a façonnée pendant près de deux siècles cette terre, et s'est inscrite dans l'Histoire?
Quel est le lien qui unit Fonjoncouse à la ville espagnole de Tolède?
Les éléments en notre possession se signalent d’abord par le caractère lacunaire. Aucun document ne nous donne à percevoir la vie de Jean et de ces descendants dans une véritable continuité. C'est uniquement à travers les diplômes carolingiens qu’elle nous est aujourd’hui connue et seulement suivant un axe bien défini, celui de la possession du territoire de Fontjoncouse.
En parcourant le territoire, ce sont des lieux anciens, des légendes qui leur sont attachées et une riche histoire maintenant endormie à redécouvrir.


Ce carnet est le second volet d'un tryptique sur cette région des Corbières dont le premier était Reinadouïro, Sainte-Marie des Oubiels | Portel des Corbières

Fontjoncouse: le castrum, l'église Sainte Léocadie au pied de laquelle coule la source. Au fond le mont Saint-Victor et sa chapelle
Fontjoncouse: le castrum et l'église Sainte Léocadie situés sur un promontoire rocheux au pied duquel coule la source. Au fond le mont Saint-Victor et sa chapelle

A l'origine du nom: les joncs

Fontjoncouse | Fonte Joncosa: Nom de lieu hydronymique à déterminant phytonymique, du latin font signifiant source, et juncosa lieu envahi par les joncs, mentionné dès 795.

Fonte joncosa: Graphie du XIIe siècle
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  • Les joncs se retrouvent dans de nombreux toponymes des Corbières et de la Narbonnaise (étang, fermes, hameaux & cours d'eau). Ainsi, à 5kms à l'est de Fontjoncouse près de Coustouge, le village de Jonquières (mentionné à partir de 897, Joncheriae, Joncariis) tient son nom d'une zone faiblement marécageuse et saturée en eau où les joncs prospéraient (les Mouillières de l'occitan molièra, trous d'eau), et au nord de Portel des Corbières, à proximité du monastère Sainte Eugénie disparu, le toponyme Bal daï Jouns (val des joncs) qui avait donné Sancta Eugenia de Teco (1223).

Le pech de Moure & et l'ancienne zone marécageuse de Jonquières
Le pech de Moure & et l'ancienne zone marécageuse de Jonquières

Les actes fondateurs: les préceptes Carolingiens

Sur les traces écrites du passé pour reconstituer la genèse de Fontjoncouse

Les sources manuscrites principales

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  • Cartulaire: Recueil de chartes contenant la transcription des titres de propriété et privilèges temporels d'une église ou d'un monastère.
  • Capitulaire: Regroupement des actes de l'époque carolingienne, divisé en chapitres et contenant des décisions législatives ou administratives prises par le souverain en matière politique, économique ou sociale.
  • Précepte: (charte, diplôme) acte authentique consignant des droits, des privilèges, généralement accordés par un suzerain, du latin praeuceptum,
  • Acte original: document primitif où est consignée pour la première fois sous sa forme définitive la volonté de l’auteur de l’acte et qui est destiné à faire foi.
  • Acte interpolé ou falsifié: acte modifié par l'insertion dans le texte d'un mot, d'un groupe de mots qui ne fait pas partie de l'original, du latin interpolare, donner une nouvelle forme.

Fonte Joncosa, le Désert & la Solitude

On retrouve dans les actes consacrés à Fontjoncouse et aux Hispani les mots "Desertum, Eremus et Solitudo" pour désigner les territoires accordés.

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L'expression du Désert dans les diplômes carolingiens: Une représentation héritée d'Isidore de Séville

Dans son encyclopédie Etymologiae, Isidore de Séville (vers 560-636), évêque, fait la différence entre eremus qui designe un lieu qui ne fut jamais habité et desertum, endroit jadis habité puis abandonné. Il opposait cette notion du Désert, le "loca deserta" aux paysages cultivés.

Deserta vocata quia non seruntur et ideo quasi deseruntur; ut sunt loca silvarum et montium, contraria uberrimarum terrarum, quae sunt uberrimae glebae. Isidorus, Etymologiae, liber XIV,VIII,31 vers 600–625

Les espaces cités font référence aux forêts et aux montagnes loca silvarum et montium et étaient ainsi désignés parce que ces terres n'étaient ni labourées ni semées seruntur mais plutôt abandonnées deseruntur, contrairement aux champs cultivés et aux "sols fertiles" uberrimae glebae. Ils portent en eux naturellement la notion de sauvage, c'est à dire dépourvus de présence humaine (ce qui n'est pas humain est sauvage: forêts, bois et bêtes sauvages).

Cette dichotomie "nature/forêt-culture" est une caractéristique importante de la tradition médiévale que l'on retrouve exprimée dans les diplômes Carolingiens. Elle oppose ce qui est cultivé et habité à ce qui est sauvage eremum ad laborandum, désert dont on doit travailler la terre c'est à dire la cultiver.

L'absence de culture ne signifie pas que ces milieux sauvages soient exempts de toute présence ou activité humaine. Ils ont été en effet anthropisés à des degrés divers, cette pression étant fonction de différents facteurs tels que la situation politique et démographique.


L'expression de la solitude dans les diplômes carolingiens: un héritage chrétien?

En partant de la tradition chrétienne où la vie d'ermite (la retraite) dans le désert, la solitude est décrite comme le moyen de se rapprocher de Dieu. Enjolivé par les récits chrétiens, le couple Désert-Solitude devient indissociable. Mais comment peut-on envisager la solitude sans les terres arides? C'est à la forêt que revient la notion idéalisée de la solitude dans la littérature médiévale. Elle renvoie à l'idée d'une forêt sans humain, difficile d'accès et non fréquentée, mais la réalité est tout autre, elle n'est pas une solitude totale.


Que pouvons-nous savoir du paysage de Fontjoncouse à l'aube du IXe siècle?

Pour avoir une représentation du paysage de Fontjoncouse au IXe siècle, la seule description nous est donnée par un acte écrit trois siècles plus tard, en tenant compte du fait qu'entretemps, ce paysage a été transformé et cultivé. Loin des clichés sur un territoire rasé et pauvre transmis par l'image désert/culture, on peut logiquement en déduire que la végétation et la faune sauvage devaient être développées et abondantes à l'époque de Jean.


Au XIIe s., l'archevêque de Narbonne évoque les bois et la grande variété de la faune sauvage qui peut être trouvée sur le territoire de Fontjoncouse. La description donnée du paysage permet d'avoir une représentation plus précise des paysages si l'on admet que le vocabulaire des forêts hérité d'Isidore de Séville soit toujours d'actualité au haut Moyen-Âge. Ainsi, en termes de couverture forestière et de leur usage, l'archevêque Arnaud de Lévezon fait dans son énoncé une distinction claire: nemus, nemora qui désigne les bois pourvus de grands arbres au feuillage ombreux et de clairières (bois ouverts), et saltus les forêts d'arbres touffus et élevés.

Plaintes de l’archevêque Arnaud de Lévezon, contre les châtelains de Fontjoncouse
XIIes. (archevêque de Narbonne 1121-1149), G10 © AD11

Parmi les lieux cités, on retrouve les lieux-dits Saint-Christol, Palats et Arjalata à proximité
"campum de Sancto Christoforo",
"campum de aculeis" et
"condamina de Palacio"

Il est fait référence aussi aux chênes, aux bois et pâturages Garrice, nemora, saltus, pascua, et à la chasse " … et venationes similiter approrum, cervorum et ursorum " sangliers, cerfs et ours, qui est pratiquée par les chatelains, chasse qui est pourtant du ressort du droit et de la propriété de l'archevêque et représentait un élément de pouvoir. ad jus et proprietatem archiepiscopi pertinent (dominité Directe et Utile: Dominium directum et utile).



Actes concernant les Hispani, Jean et ses descendants

VIIIe IXe Xe
780 794 795 814 833 844 849 963
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790-850, Les actes concernant Jean et Teudefrède en Septimanie

L'installation des Hispani en Septimanie

VIIIe
780/782 | L'acte origine de Charlemagne? Acte inconnu et reconstitué
Capitulaire du roi Charles, qui place sous sa protection et sa défense les Espagnols réfugiés ou qui se réfugieront à l'avenir en Septimanie, et règle leur situation juridique.

L'existence d'un texte origine est un sujet de discussion encore aujourd'hui. Ramon d'Abadal a déduit qu'il existait un texte écrit vers 780-782 mentionnant les concessions faites aux Hispani du texte de l'acte de 812. Il y est fait référence, en effet, à deux reprises au fait que les Hispani tenaient ces terres depuis plus de trente ans. Dans un acte de Charles de Chauve en 844, il est dit, que ces droits accordés par Charlemagne et Louis avaient été promulgués dans des diplômes impériaux.

(…) quam per triginta annos seu amplius vestiti fuimus et ipsi per nostrum donitum de eremo per nostram datam licentiam retraxerunt.
(…) quod per triginta annos habuerunt per aprisionem,(…) Constitution "Pro Hispani", 812

L'arrivée des Hispani en Septimanie

Les Chroniques d'Alphonse III (ad Sebastianum) qui couvrent la période 642-866 permettent de préciser les dates des mouvements de fuite ou d'exode. Une première vague migratoire limitée s'est produite entre 711 et 720 (prise de Tolède en 712, de Saragosse en 714 et de Barcelone en 715), date de l'invasion islamique de l'Hispanie wisigothe mais il en ressort que l'émigration principale ne s'est produite qu'après 775 majoritairement vers l'Asturie (unique royaume chrétien d'Hispania résistant aux musulmans), Oviedo et la Galice et dans une moindre mesure vers la Septimanie. Ceci est à rapprocher de la tentative ratée de Charlemagne d'occuper Saragosse en 778 et de son retrait de la péninsule. La prise de Barcelone en 801 par Louis le Pieux qui stabilise la frontière au sud du Llobregat, est l'aboutissement de celles de Gérone (785), d'Urgel (vers 792), d’Ausone-Vich (vers 795) et entrainera une nouvelle migration sur ces terres libérées.

Ces migrations ne furent pas que le seul fait de particuliers, on observe au IXe siècle, une augmentation importante du nombre de monastères dans les comtés de la Marca Hispanica. En quelques années, de 800 à 875, plus d'une cinquantaine de nouveaux établissements furent fondés soit pour la plupart encouragés par les autorités carolingiennes, soit en dehors de toute intervention extérieure.

Arabes tamen patria simul cum regno oppresso pluribus annis per presides Babilonico regi tributa persoluerunt, quousque sibi regem elegerunt et Cordobam urbem patriciam regnum sibi firmauerunt. Goti uero partim gladio, partim fame perierunt. Sed qui ex semine regio remanserunt, quidam ex illis Franciam petierunt, maxima uero pars in patria Asturiensium intrauerunt sibique Pelagium filium quondam Faffilani ducis ex semine regio principem elegerunt.

Document composite du XVIes., copie de la version "Ad Sebastianum" des chroniques d'Alphonse III par Ambrosio de Morales, l'original a été perdu, f°13r XVIe s. © BNE

Le début de ce passage fait référence à la conquête du royaume wisigoth par le califat omeyyade qui fut remplacé par les Abassides (750) qui fondèrent Bagdad, Irak, pays de l'ancienne Babylone, cité disparue mais symbole du mal dans l'imaginaire médiéval. Abd al-Rahman Ier rescapé de la dynastie omeyyade fonde en 756 le califat omeyyade de Cordoue.

Le terme "patria Asturiensium" renvoie à la "patria Gothorum" d'Isodore de Séville, et se présente comme le futur, la restauration de l'entité détruite en 711, (les trois composantes: un roi, une communauté politique, un territoire rex, gens vel patria gothorum)


Les Hispani: une population hétérogène

Hispani & Goths: Hispani est un terme utilisé par les Carolingiens à partir de la fin du VIIIe siècle, pour désigner les résidents d'Espagne qui ont fui les territoires musulmans pour vivre sous l'autorité carolingienne. Ils sont aussi appelés "hostelenses" dans les chroniques et documents de l'époque On trouve ainsi la référence à l'Hispania, qui désigne la partie de l'Espagne conquise par les musulmans (et qui inclut aussi la future Catalogne), la Septimanie étant référencée sous le nom de Gothie.
Il regroupe en fait tout ceux qui ne sont pas Goths. Parmi ces réfugiés, diverses origines se côtoient: germanique, latine, basque et musulmane ayant des conditions sociales diverses: puissants ou simples paysans et aussi des ecclésiastiques d'origine wisigothe dont certains feront partie de l'entourage du pouvoir caroligien.

Gens bona Gothorum semper, sine fine valeto,
Electus Domino populus, plebs inclyta, salve !
Praeclaris gentes vicistis maxime bellis
Quam multas quondam: hostes modo vincite Christi
Per clypeum fidei, per fortia tela salutis
Carmina XXIV, Alcuin (760-804)
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Théodulf, arrivé en Septimanie vers 778, venant de la région de Saragosse, futur évêque d’Orléans vers 796-798.
Castellan, (Castellanus) fuyant l'Espagne après la débacle de Charlemagne en 778 fonde une église dédiée à Saint Pierre (Saint Pierre de Ruiferrer) cette même année. Dévastée, une nouvelle église dédiée à Sainte Marie sera fondée à Arles sur Tech vers 817.
Veniens vir Deo fidelis ex partibus Hispaniae, nomine Castellanus abbas, qui ingressus est per angustam semitam invenit in heremo mirabilia balnea ubi aedificavit coenobium. Helperici Abbatis Arulensis Epistola ad Carolum Calvum, Lettre de l'abbé Hilpéric à Charles le Chauve, 869
Agobard, disciple de Leidrade et futur évêque de Lyon, adolescent, arrive à Narbonne vers 782 avec Atala.
Atala, venant de Magregerum, dans la péninsule du Cap Creus, terres de Peralada, fonde Saint-Polycarpe du Razès en 782.
Auparavant, Atala et sa communauté monastique avaient reconstruit dans l'Ampourdan des églises qui avaient été détruites par les sarrasins.
(…) veniens de partibus Hispaniae Attala venerabilis abbas et Agobardus, secum habens et servos et liberos retrahere se a societate nefandae gentis volentes confugerunt ad nostram celsitudinem (…) At ille primitus veniens in confinio Petralatens seu in locum, ubi vocabulum est Magregesum, invenit ecclesias, quae ab antiquitus fuerant fundatae, sed a paganis erant destructae(…)
,
Atilio, disciple de Saint Benoit d'Aniane, fonde vers 780 le monastère de Saint Thibery près d'Agde. Il participe, en 817, au concile d’Aix-la-Chapelle
Claude de Turin, (Claudius) originaire d'Urgel, futur évêque de Turin, arrive en Septimanie vers 792

Narbonne et les réfugiés hispaniques à la fin du VIIIe s.

C'est vers 782 que la cathédrale de Narbonne est dédiée aux saints Just et Pasteur, les deux enfants morts en martyrs à Complutum, du temps de la persécution de Dioclétien, et dont le culte, attesté en Hispania à la fin du IVe siècle, se répand en Septimanie avec l'arrivée des Hispani au VIIIe siècle.

En 798, Théodulf, évêque d'Orléans accompagné de Leidrade en tant que missus dominicus relate dans son carnet de voyage, lors de son passage à Narbonne, la présence (importante) de Goths d'Espagne (Gètes) et plus généralement d'Hispani (la foule venue d'Hespérie) qui ont trouvé refuge dans la région et dans la ville.

(…) Mox sedes, Narbona, tuas urbemque decoram
Tangimus, occurrit quo mihi læta cohors
Reliquiæ Getici populi, simul Hespera turba,
Me consanguineo fit duce læta sibi

MS. Latin 18557 Theodulphus Aurelianensis, Versus contra judices (lib. I, v. 30-956)
Document composite X e s. f°6, base de la première édition du texte de Théodulfe d’Orléans © BNF

Bientôt nous atteignons ton siège Narbonne et ta superbe ville
Où une foule réjouie accourt à ma rencontre:
Ce qu’il reste du peuple des Gètes ainsi que la foule venue d’Hespérie
Se réjouissent de m’avoir pour guide qui suis du même sang qu’eux.
( traduction: Énimie Rouquette )

Hespérie : Ancien nom de l'Hispanie wisigothique.
Gètes : Peuple de l’Antiquité originaire de Thrace. Ancien nom donnée à tort aux Goths pour désigner plus particulièrement les Wisigoths


L'arrivée de Jean en Septimanie

VIIIe
Fin 794/795 | Concession de Louis le Pieux Lettre perdue

L'arrivée de Jean sur les terres de Fontjoncouse avec ses hommes (cum homines suos) est située vers 793. Elle fait suite à de nombreuses années de troubles après l’échec de l’expédition de Charlemagne à Saragosse en 778, les expéditions musulmanes dans la marche supérieure d’Al-Andalus autour de 781 et surtout en Septimanie en 793. Cette dernière expédition qui se traduit par la défaite des francs est ressentie comme un échec par Charlemagne. Doit-on voir un lien entre l'exode de Jean et cette expédition musulmane en Septimanie?

D'ou venait Jean l'Hispanus

Il n'y a aucune source sur les origines de Jean, ses motifs et son parcours antérieur. On a supposé que Jean était de rang élevé (hispani majores par opposition aux hispani minores) et originaire de la Marca Hispanica, ou de la région de Tarragone, sur la base de la bataille du pont Llobregat. Il aurait pu faire partie d'une vague précédente de réfugiés venant du sud et s'étant établis d'abord au pied des Pyrénées, mais l'hypothèse la plus vraisemblable est celle de la proximité. En effet, la majorité des réfugiés hispaniques identifiés, sont issus de la Marca Hispanica ou de la zone comprise entre sa frontière (Llobregat) et Saragosse et l'Èbre.

Les possibles chemins empruntés

Pour accéder au territoire de Fontjoncouse, Jean et son groupe ont pu emprunter au départ de Barcelone (Barcino, ville du début de l'histoire connue de Jean) l'une des trois principales voies anciennes existantes, qui accèdent aux hautes vallées du Tech (Besalù/Vallespir) et de la Têt (Urgel/Cerdagne) et au littoral (via Augusta/via Domitia), la dernière étant la plus directe. L'accès sud sur le territoire de Fontes entre Durban et Albas semble le plus simple.

La lettre de Louis le Pieux

Jean sollicite auprès du fils de Charlemagne, Louis le Pieux, alors roi d’Aquitaine (781-813/814), une concession à Fontjoncouse, territoire revendiqué par le comte Sturmio, qui lui est accordée dans une lettre mentionnée dans le diplôme de Charlemagne en 795. On peut supposer que cette lettre a été écrite cette année-là (794) avant sa visite à Charlemagne à Aix.

(…) et ostendit nobis epistola que dilectus filius noster ludovicus ei fecerat et per ipsum ad nos direxit
(…) et il nous montra la lettre que notre fils bien-aimé Louis lui avait écrite et nous avait adressé par son intermédiaire.

En elle-même, la lettre de Louis n'était pas suffisante pour assurer les droits de Jean sur Fontjoncouse. C'est pour cette raison qu'il se rendit à Aix la Chapelle pour obtenir de Charlemagne cette concession.

VIIIe
Mars 795 | Diplôme de Charlemagne en faveur de Jean L'aprision

Premier précepte envers une personne nommée

Précepte du roi Charles confirmant à Jean, qui avait vaincu les sarrasins au lieu "ad ponte" dans le pagus de Barcelone, et qui lui avait présenté par lettre de son fils Louis, le lieu des Fontes qu'il lui avait donné. En plus, il lui accorde ce qu'il a enlevé avec ses hommes dans le village de Fontejoncosa, le tout libre de cens.

Les principaux participants & intervenants

  • Charlemagne | roi des Francs
  • Louis | roi d'Aquitaine
  • Jean l'Hispanus

L'acte et ses copies

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Latin 11015 f°9: cartulaire de l'église de Narbonne, copie du XII<sup>e</sup>, l'original a été perdu. Baluze 374 f°431 copie du XVII<sup>e</sup>, © BNF

LATIN 11015 1er fragment f°9& BALUZE 374 f°431
Copies du XIIe et XVIIe siècle (B et c) © BNF

La plus ancienne copie disponible se trouve dans le manuscrit latin 11015. C'est un acte interpolé.
L'acte original est daté de 795 (et non pas 793 comme il est possible de le lire par ailleurs), soit deux ans après l'installation de Jean sur ce territoire.


Ce que nous apprend cet acte

① Le lieu ad Ponte dans le pagus de Barcelone
La bataille a eu lieu ici et pas ailleurs

L'histoire connue de Jean commence en 791/792 à la bataille du pont " in locum ubi dicitur ad Ponte", bataille pour la possession de la rive droite du fleuve. Il en est fait référence dans ce précepte de Charlemagne sans donner de date. Il n'est pas dit non plus si la bataille a été gagnée car il semble que le lieu n'ait pas été conquis.

et invenimus in ipsa epistola insertum quod johannes ipse super ereticos sive sarracenos infideles nostros magnum certamen certavit in pago barchinonense, ubi superavit eos in locum ubi dicitur ad Ponte, et occidit de jamdictos infideles et cepit de ipsis spolia;

L'ennemi y est désigné sous les noms d'infidèle et de sarrasin, ce qui dénote le caractère religieux et l'opposition aux chrétiens. Sous-jacent à cela, le message qui est véhiculé est celui de l'oppression des infidèles envers les chrétiens.

 le pont du Diable, Martorell 1860, Charles Clifford © Metropolitan Museum of Art
le pont du Diable, Martorell (Martorelium XIe siècle, du latin médieval Marturellu) vers 1856
Charles Clifford © Metropolitan Museum of Art
Le pont cité "ad Ponte" est selon toute vraisemblance celui de Martorell près de Barcino (Barcelone). C'était le seul endroit stratégique dans le cours inférieur du fleuve Llobregat, passage obligé pour atteindre la Septimanie via Barcelone, et qui marque la frontière méridionale en Hispanie de l'empire carolingien.
  • Le pont de Martorell (pont en dos d'âne), appelé aussi pont du Diable ou de Sant Bartomeu, est un ouvrage romain construit à l'époque d'Auguste entre les années 10 et 8 avant Jésus­-Christ, sur la base des marques qu'ont laissées sur les pierres les différentes légions qui y travaillaient.
  • C'est dans les environs (Martorell, église Santa Margarida sur la rive droite d'el Llobregat, castellví "castelu vetulo Xe siècle " de Rosanes et Gelida), qu'a été située la station ad Fines sur la via Augusta citée dans l'itinéraire d'Antonin et sur la table de Peutinger, marquant la limite du territoire de Barcelone

② les éléments du paysage Fontes & Fontejoncosa
et petierat in narbonense villare eremum ad laborandum que dicunt Fontes; (…)
nos vero concedimus ei ipsum villarem cum omnes suos terminos vel pertinencias suas ab integre et quantum ille cum homines suos in villa Fontejoncosa occupavit vel occupaverit vel de heremo traxerit vel infra suo termino sive in aliis locis vel villis seu villares occupaverit vel aprisione fecerit cum homines suos
Villa & villare: à la recherche de Fontes

Dans cet acte, deux notions différentes sont utilisées, d'une part la villare Fontes et d'autre part la villa Fontejoncosa.
S'il n'y a peu d'ambiguïté sur la localisation de la villa Fontejoncosa, les limites du domaine nommé Fontes ne sont pas explicitées dans ce document.
  • villa: domaine agricole
  • villare: terme du haut moyen-âge formé par suffixation sur le latin villa, et qui désignait en principe un territoire ou domaine (locus) propre à constituer une ou des villa(s) ou ayant déjà une villa pour être déboisée et habitée: eremum ad laborandum

Les limites du territoire

Ce n'est que dans le précepte de 833, qu'il est fait référence ã l'étendue du territoire et au fait que Sturmio accompagné de ses juges narbonnais, se rendit à Fontjoncouse, pour planter les bornes du domaine concédé de manière à bien fixer les limites.

Et sic nos presentes, Sturmio comes per ipsam epistolam domni imperatoris(…) Et dum Sturmio comis cum suos iudices Narbonenses in ipsum uillare fusset, sic inter iamdicto uillare et uillare que uocant Gurgos terminos et limites misit.

Sturmio (Sturmion), comte (appelé vicedomini, représentant des comtes de Septimanie en charge des affaires judiciaires, Guillaume de Gellone pour la période. Ses pouvoirs sont limités) de Narbonne entre 793 et 811, dont les successeurs sont Adhémar (812-830), son fils et Leibulf (à partir 833) que l'on retrouve dans les préceptes de 812, 814 et 833. On sait peu de choses sur ce comte, et à quelle date il fut nommé vicedomini de Narbonne. Il a été évoqué une lignée poitevine avec comme origine Sturbio, comte de Bourges vers 778 dont la fille épousa Mainer (Magnarius), qui était vicedominus de Narbonne vers 791 et dont Sturmio serait l'un des fils.


Vue sur les terres de Fontes
Vue sur les terres de Fontes
③ Les premiers Hispani de Fontjoncouse

Cette petite colonie comptait environ une vingtaine d'individus dont la composition n'est décrite que partiellement dans un diplôme de 834. L'histoire de la famille de Jean nous est inconnue, sa femme n'étant par exemple jamais citée. Nous connaissons l'existence d'un fils (le seul?) par les diplômes mais sa date de naissance n'est pas communiquée.

  • JEAN L'HISPANUS
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    LA FAMILLE DE JEAN
  • Vuillemir, frère de Jean (Wilimirus)
    Teodfred, fils de Jean (Teudefredus)
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  • Et concedo tibi quicquid pater tuus aut Wilimirus avunculus (…) diplôme de 844
  • LES AUTRES FAMILLES CONNUES
  • Et vidimus quando Joannes misit in ipsum villare suos homines ad abitandum his nominibus: Christiano et filios suos Atonello, Ele et Mancione, et Amunno, Imbolato presbitero, Asenario, Fedantio cum filios suos et genere suo Ildebono (…) diplôme de 834
  • Christian (Christiano)
    • Atonelle, fils de Christian (Atonello)
      Ele, fils de Christian
      Mancion, fils de Christian (Mancione)
  • Feudance (Fedantio)
    • Ildebone (♀ Ildebono)
      Les fils de Feudance
  • LES AUTRES PERSONNES CITÉES
  • Amunne (♀ Amunno)
    Asserrar (Asenario)
  • LE RELIGIEUX
  • Ombolat, prêtre (Imbolato)
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    Le patronyme Involatus: De Tudmīr à Tortosa

    Le nom Involatus (inbolatus) apparait lors des conciles de Tolède XIV (684), XV (688) et XVI (693).
    Dans ce premier concile, on le trouve effectivement dans la liste des signataires sous le nom de Jean:

    (…) Iohannes diaconus cognomento Inuolatus agens uicem domini mei Sarmatani episcopi Valentinae ecclesiae similiter subscripsi.

    Lors du concile suivant, il est juste cité comme Involatus, abbé (Involatus abbas)
    C'est semble-t-il ce même Inviolat que l'on retrouve comme évêque de Tortosa , diocèse voisin de Valence, dont on dit qu'il fut investit en 688 à la mort de Samarta car lors du XVI concile, il apparait comme "Involatus Dertosanae Ecclesiae episcopus". Il est considéré comme le dernier évêque de la période wisigothique de Tortosa avant la conquête islamique de la ville (715), sans que l'on puisse l'affirmer avec certitude.
    Sous la domination musulmane, l'existence du diocèse de Tortosa est évoquée, mais aucune donnée n'est disponible sur les évêques du VIIIe au XIe siècle.

    Doit-on voir dans notre premier prêtre de Fontjoncouse, un ecclésiastique de cette région, ou un proche, dans la continuité de Involat.

④ L'utilisation du terme aprisio

Dans cet acte apparait pour la première fois le terme aprisio (aprisione) pour désigner la possession des terres.

Nous lui avons en effet concédé le même hameau de Fontes avec toutes ses limites et dépendances dans l'intégrité et tout ce que cet homme avec ses hommes a occupé ou aura occupé ou aura débarrassé de la friche dans le village de Fontjoncouse ou aura occupé ou fait aprisio dans son terme ou dans d'autres lieux ou villages ou hameaux.

L’aprisio est un type de concession de terres publiques ou fiscales (au sens appartenant au Roi) accordée par Charlemagne à la fin du VIIIe siècle dans la Marca Hispanica et en Septimanie. Elle concerne aussi bien des établissements ecclésiastiques que des particuliers.

Ces concessions avaient plusieurs buts économiques, politiques et militaires: défrichement, repeuplement, soutien militaire pour défendre la frontière face aux musulmans, limitation du pouvoir des comtes et maintien de l’autorité carolingienne dans des zones instables

Cette concession s'accompagnait de droits & de devoirs de la part du titulaire

  • Il doit mettre en valeur (cultiver)
  • Il peut sous concéder des terres à mettre en valeur
  • Il peut transmettre comme héritage
  • Il peut s’étendre aux villae voisines
  • Il reçoit immunité et protections royales
  • Il ne doit pas rompre l’attache au lieu
  • Il doit le service militaire au roi mais n’était pas vassal d'un comte, il est en dehors de la juridiction des comtes.
Quasi propriété & pleine propriété

Les terres mises en aprisio restaient la propriété du Roi mais le régime est proche de la pleine propriété. Dans un acte de Charles le Chauve, il est qualifié de quasi propriété.

et eas juste tenerent et quasi proprietario jure possiderent. 814, Précepte de l'empereur Charles accordant aux hispaniques Ilderic et Ermenisil des terres en aprisio dans les villages d'Aspiran et d'Albagnan dans le comté de Béziers


La clause de trente ans temps nécessaire pour que les terres deviennent la pleine propriété de son titulaire est rappelée dans le diplôme de 812 mais ne semble pas s'appliquer à l'aprisio (cas de l'acte de 844). Ce n'est que dans l'acte en faveur de Teudéfrede en 849, qu'on observera le transfert des droits (de propriété) du Roi au titulaire (transformation de l'aprisio en alleu).

Cette notion de trente ans est héritée du Líber Judicum ou Lex Visigothorum, (Livre X, titre II:Concernant la partition, la limitation et les limites), code législatif élaboré sous le règne du roi Réceswinthe (653–672) et promulgué lors du huitième concile de Tolède
IXe
2 avril 812 | Constitution pro Hispani
Aix-la-Chapelle
La participation de Jean
Précepte de l'empereur Charlemagne adressé aux comtes Bera, Gaucelm, Gisclafred, Odilo, Ermenguer, Ademar, Laibulf et Erlí, les notifiant des plaintes que quarante-deux Hispaniques lui ont rapporté de leurs oppressions et comment ils se sont emparés de leurs aprisions.
Les témoins jurent à l'intérieur de l'église de Saint Martin (ecclesia Sancti Martini) à Aix-la-Chapelle (Aquisgra).
Il ordonne que la situation juridique des dits Hispani soit exposée par l'archevêque Johannes à son fils le roi Louis dans une réunion à laquelle les comtes doivent être présents. Il leur interdit toute perception d'un cens ou de les dénuder; et ordonne de leur rendre tout ce qui leur avait été injustement pris.
Charlemagne souverain dans les affaires de la Marca hispanica

Louis n'étant pas présent, Charlemagne demande à l'archevêque Jean d'Arles de lui communiquer sa décision et de la faire appliquer auprès des comtes.

l'acte et ses copies

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Latin 11015 f°8 (XII<sup>e</sup> siècle) © BNF
Latin 11015 f°8 (XIIe siècle) © BNF

Ce que nous apprend cet acte

Les principaux participants & intervenants

  • Charlemagne | roi des Francs
  • Jean II (Johannes) | Archevêque d'Arles (<811– †819) Missus
  • LES 42 HISPANI
    Ispani de vestra ministeria
  • Liste transcrite n'excluant pas les erreurs ou variations d'ortographe des noms selon les versions du document.

    • Martinus presbiter,
    • Johannis,
    • Quintila,
    • Calapodius,
    • Asinarius,
    • Egila,
    • Stephanus,
    • Rebellis,
    • Ofilo,
    • Atila,
    • Fredemirus,
    • Amabilis,
    • Christianus,
    • Elpericus,
    • Homodei,
    • Iacentus,
    • Esperandei,
    • Stephanus (item),
    • Zoleiman,
    • Marchatellus,
    • Teodaldus,
    • Paraparius,
    • Gomis,
    • Castellanus,
    • Ardaricus,
    • Wasco,
    • Wisifidus,
    • Witericus,
    • Ranoidus,
    • Suniefredus,
    • Amancio,
    • Cazerellus,
    • Longobardus,
    • Zate militeis,
    • Odesindus,
    • Walda,
    • Roncariolus,
    • Mauro,
    • Pascales,
    • Simplicio,
    • Gabinus,
    • Solomo presbiter,
    11/42
  • LES 8 COMTES DE LA MARCHE D'ESPAGNE ET DE LA SEPTIMANIE CONCERNÉS
    Dans l'ordre d'inscription dans le précepte
  • Berà I | Comte de Barcelone (801-820) Goth
  • Gaucelme | Comte du Roussillon (812-832) Franc
  • Gisclafred (Gilafré) | Comte de Carcassonne (812-821) Goth
  • Odilón | Comte de Gérone-Besalú (811-812)
  • Ermenguer | Comte d'Empúries-Peralada (812-817) Goth
  • Adhémar | Vicedomini de Narbonne (812-833)
  • Liebulf (Leibulfus)| Futur comte de Provence (en tant que misus)
  • Erlín (Erlnus) | Comte de Béziers
Latin 11015 Extraits f°8r-8v (XII<sup>e</sup> siècle) © BNF
Latin 11015 Extraits f°8r-8v (XIIe siècle) © BNF

Des territoires possédés pour certains depuis plus de 30 ans

il est fait mention dans cet acte de la possession par les Hispani de certains territoires depuis plus de 30 ans ce qui nous ramène vers le début des années 780.

(…) et tollant nostram vestituram quam per triginta annos seu amplios vestiti fuimus

L'origine des Hispani

Il a été dit que ce groupe d'Hispani etait composé de Majores, c'est à dire des personnes de haut rang, mais ils étaient aussi accompagnés de proches dont l'histoire n'a pas toujours retenu le parcours.
Cet acte montre bien:

  • Que ces groupes d'Hispani n'étaient pas isolés les uns des autres et que des contacts existaient entre eux.
  • Une part non négligeable était constituée logiquement d'ecclésiastiques, à mettre en rapport avec les nombreuses implantations de monastères
  • Qu'ils étaient logiquement en conflit avec les comtes précités pour qu'ils soient obligés d'exprimer auprès de Charlemagne leurs problèmes, même si il ne nous a pas été possible de connaitre dans tous les cas leurs désaccords.

Jean et certains de ses compagnons ou proches, font partie de ce groupe hétérogène composé de différentes ethnies et religions venus, pour la plupart, de la Marca Hispanica et de la Septimanie. Il est rappelé dans le diplôme de Louis le Pieux de 815, qu'ils ont fui les régions d'Espagne pour se mettre sous la protection des Francs.

De partibus Hispaniae ad nos confugerint, et in Septimania atque in ea portione Hispaniae quae a nostris marchionibus in solitudinem redacta fuit sese ad habitandum contulernt, et a Sarracenorum potestate se subtrahentes nostro dominio libera et prompta voluntate se sibdiderint(…) Diplôme de Louis le Pieux, 815

Il se trouvait:
Deux hispani explicitement identifiés comme prêtres,


Une majorité d'origine germanique et latine parmi lesquels certains portant des noms de Saints (Jean, Martin et Etienne) ou théophores (les moines Homodei, Esperandei),


Trois portant des noms de territoire (Wasco, Longobardus, Roncariolus), ce qui pour les deux premiers peut apparaître difficile de les raccrocher à la région basque ou lombarde, (on trouve ainsi des Wasconius dans les comtés de Berga et Ausona ou Wasgones dans le Vallespir)


Ainsi que trois d'origine musulmane ou ayant des noms arabisés (Zate, Zoleiman (de Sulaymān, Salomon) et Mauro). L'hypothèse envisagée pour expliquer certains noms arabisés serait du fait de la migration des chrétiens d'Andalousie qui avaient pris ces noms là lors du processus d'incorporation musulmane et qui l'avaient gardé comme nom principal.


Identification du groupe

Sachant que les sources historiques restent pauvres, l'approche privilégiée dans la mesure du possible, est la suivante: clarifier les liens pouvant exister entre les protagonistes, privilegier la proximité dans les recherches anthroponymes et suivre les acquisitions/donations des territoires.


Ceux dont on a aucune information

Ils n'apparaissent dans aucun autre acte dans la première moitié du IXe siècle.

Cazarellus, Gabinus, Marchatellus, Pascales, Rainodus, Rebellis, Roncariolus, Simplicio, Walda, Wisifidus, Witericus, Zoleiman

Ceux dont on a trouvé des homonymes lors de transactions ou de jugements

Il n'y a pas de certitude qu'il s'agisse bien de la même personne présente à Aix la Chapelle, le lien n'ayant pas été trouvé. On peut aussi bien voir affaire à une personne de la même famille ou juste à un homonyme.

Amabilis: Mentionné en 858 dans le comté du Roussillon.


Amancio: Amacius, Amantius nom d'origine religieuse (Saint Amance). mentionné en 863 dans le Conflent


Ardaricus: Un Ardarici est mentionné en 845 dans le comté de Pallars et Ribargorce concernant des biens.


Asinarius: Certains historiens ont proposé comme identification Aznár Galindez (Asnari Galindo), comte d'Aragon, réfugié en Septimanie en 820 chassé du pouvoir par son gendre, et qui sera comte d'Urgell-Cerdagne en 820 (précepte de Louis le Pieux pour Asenari Galindonis).


L'interprétation est basée sur ce passage des Généalogies de Roda, qui met en scène Charlemagne (donc avant sa mort en 814). A la mort d'Aerolus, comte d'Aragon, survenue en 809, la région fut occupée par Amrús ben Yūsuf, dissident du royaume de Cordoue. C'est vers 812 qu'Asnar repris le contrôle du comté, profitant ou aidé par le rapprochement entre al-Hakam I et Charlemagne.

Perrexit igitur Asnari Galindones ad Franziam et proiecit se pedibus Carli Magni et donavit illi populationem Cerretania et Oriello, ubi et tumulatum iacet.

Azenari Galindones est alors parti en France et s'est jeté aux pieds de Charlemagne, qui lui a donné à peupler la Cerdagne et Urgell, où il est enterré". Codex Rotense, Généalogies de Roda, Item genera comitum Aragonensium, f°191r-192v, MS78 Xe-XIe siècle © Real Academia de la Historia

Atila: Un Atila est mentionné en 817 et 840 dans le comté de Pallars et Ribargorce concernant des biens. Un prêtre du nom d'Atila est mentionné au monastère de Sant Julià de Sentís (Pallars) vers 849 mais les sources sont rares.


Egila: mentionné en 843 dans le comté du Roussillon en tant que juge.


Elpericus: Ilpericus, Elperici sont mentionnés en 829 et 845 dans les comtés d'Urgell et du Conflent.


Fredemirus: Un Fredemirus est mentionné dans le comté de Pallars et Ribagorce en 852 lors de la vente d'un bien.


Homodei: (Homo Dei, Omodei) C'est un anthroponyme peu courant au IXe siècle.

  • Peut-on le rapprocher:
  • Du moine Homodei cité en 833, dans une donation de l'abbé Solmó à ses frères d'obédience concernant le monastère Sant Esteve de Servàs (disparu) dans le comté de Pallars et Ribagorce:
In nomine Domini sancte Trinitatis qui est verus et unus Deus. Ego Solmus presbiter. Noteximus presentibus ixilicet et futuris quod pro retribucione eterna vobis fratribus meis Deo devotos religione precinctos comunitate et dilectione promissos et obediencia Dei jugo summissos: Danieli clerici, Undilani clerici, Vitali clerici, Homodei monachi, Friscloni, Gudilani, Solmoni monachi, Gutrigildi monachi, Garsetone monachi, Eleti monachi, Arrechoni, Johanni vel omnes fratres socios qui presentes sunt vel qui advenerint qui una conclavi et conexi caritatis estis Deo devoti.
  • De l'Homodei cité comme témoin, en 845 dans un acte du cartulaire de l'abbaye de Saint-Victor de Marseille, De tolneo de Legunio (Ligagnau, arr. d'Aix).
In primis juravit Bertelaigus, Homodei, Manasses, Raganardus, Arnulfus, Martinus, (…) Marseille, AD Bouches-du-Rhône, 1 H 2 n° 4

Au IXe siècle, ce sont les seules références à ce patronyme qui a été trouvé. Si un lien existe avec la construction de la chapelle Saint-Victor de Fontjoncouse, elle serait donc datée du IXe siècle.


Iacentus,: Jacinctus, Hyacinthus, nom d'origine grecque. On cite un évêque d'Urgell portant ce nom (672-680.)


Martinus: Un ecclésiastique du nom de Martinus est mentionné en 840 dans le comté d'Urgell. Ce nom apparait aussi dans l'acte du cartulaire de l'abbaye de Saint-Victor de Marseille en 845.


Mauro: mentionné dans le comté de Besalu en 844.


Odesindus: mentionné dans le comté de Besalu en 841 en tant que juge.


Quintila: mentionné dans le comté d'urgell en 839 en tant qu'ecclésiastique.


Stephanus: cité à deux reprises, l'anthroponyme Stephanus est très populaire et se rattache au culte du premier martyr. On trouve un Stephanus, vicedomicus de Narbonne, vers 833.


Teodaldus: cité dans le comté du Roussillon en 832 en tant que témoin.


Wasco: mentionné dans le comté de Pallars et Ribagorce en 858.


Ceux dont l'identification est probable

Suniefredus: Suniefredus est un anthroponyme courant au IXe siècle. Un Suniefredus est cité dans un précepte de Charlemagne en 814 et en 829 de Louis le Pieux comme un fidèle, concernant la villa de Fontcuberta.

Proinde notum esse volumus cunctis fidelibus sanctae Dei Ecclesiae et nostris praesentibus scilicet et futuris, quia concessimus a[d] proprium cuidam fideli nostro Suniefi edo quandam villam juris nostri, quae est in pago Narbonense, cujus vocabulum est Fons Cooperta. Précepte de Louis le Pieux, Tribur, 14 octobre 829 AD H11


Gomesindus (Gomis): En 859, il est fait mention d'un nommé Gomensindus qui avec son frère Adefons reçoivent de Charles de Chauve le territoire de Donos (au nord de Fontjoncouse).

Acte de Charles le Chauve: Gomesindus Villare de Donos et Cadorque, 859
Acte de Charles le Chauve: Gomesindus Villare de Donos et Cadorque, 859
© Archives Nationales

Le Gomesindus évoqué ici en 812, pourrait être le père dont ils partageaient le même nom et qui faisait partie des fideles Nostros. Vers 820, un nommé Gomesindus est mentionné dans l'acte de Louis le Pieux en faveur d'Aznar Galindez, comme faisant partie de son entourage.


Zate militeis: Anthroponyme construit sur la base Zate suivie d'une fonction militeis (militaire). Zate fait référence à Zado, Zadun (Zatum sarracenum), gouverneur (wali) de Barcelone, qui avait tenté un rapprochement avec Charlemagne en 797. En 801, lors du siège de Barcelone, Zado fut fait prisonnier et envoyé à Charlemagne à Aix.

Voici les présents que le fils envoie à son père vénérable, le roi Louis à l’empereur Charles: il les a conquis de haute lutte sur les Maures, en personne, épée et bouclier au poing. Il vous fait amener, en outre, le roi de la ville, qu’il a pris de vive force: voici Zado devant César. La ville qui jadis a nui à tant de Francs est terrassée: elle a capitulé. Ermold le Noir, Poème en honneur de Louis le Pieux, v. 591-598 composé en 826-827
→ texte

Exilé, il peut être surprenant alors, de le retrouver 11 ans plus tard dans ce groupe. Il pourrait s'agir d'un ancien proche, militaire de Zado.


Parmi ces noms, deux groupes d'Hispani ont été identifiés: le groupe de Fontjoncouse et celui de l'abbaye Sainte-Marie d'Arles sur Tech.

Ceux de Fontjoncouse

Christianus: Il s'agit peut-être de la même personne qui s'était installée avec Jean à Fontjoncouse en 793.
Calapodius & Ofilo: Ils sont cités comme témoins dans le plaid de Teudéfrede en 833, donc ce sont des proches de Jean.

Calapodius, Calepodius: Calépode est martyrisé en 232 avec Palmace et Simplice pendant les persécutions des chrétiens de l'empereur Sévère Alexandre


Ceux d'Arles sur Tech-Elne

Castellanus: Abbé qui a fondé l'abbaye Bénédictine Saint Marie d'Arles (sous le nom de monastère de Vallespir) laquelle dépendait du comté de Bésalu. Elle est citée dans un précepte de Charlemagne en 814, en 817 comme abbaye de troisième classe (qui ne doit que des prières) dans un rapport de Louis le Pieux puis ensuite dans le précepte de ce même roi du 17 septembre 820. De l'édifice originel fondé sur l'emplacement des bains antiques, il ne reste semble-t-il que quelques blocs de grandes dimensions dans la façade orientale de l'église actuelle datée du XIe s.


Abbaye Sainte Marie d'Arles
Abbaye Sainte Marie d'Arles: façade, Linteau portant l'Alpha et l'Oméga peut-être antérieur au XIe siècle
Louis le Pieux prend sous sa protection le monastère d'Arles
Idcirco noverit omnium fidelium nostrorum tam praesentium quam et futurorum solertia, quia vir venerabilis Castellanus, abba monasterii Sanctae Mariae, veniens ad nos, innotuit eo quod ipse cum fratribus suis in valle quae dicitur Asperia monasterium in aedificia antiqua construxerit, Cartulaire d'Arles: 17 septembre 820 Copie Baluze 117 f°285 © BNF

Salomo: Identifié comme prêtre (presbiter) dans l'acte, il deviendra évêque d'Elne en 832. C'est en effet cette année là qu'il intervient dans un jugement en faveur de Babila abbé du monastère d'Arles (successeur de Castilla) et obtient en 834 un privilège d'immunité pour son monastère d'Elne.

Notum sit quia Salomon episcopus nostrae petit pietate ut ecclesiae suae quasdam villas et terras, vocatas cellam sancti felicis cum omnibus apendentiis sui, (…) Lothaire, Cluny 7 avril 834 Original perdu, Copie du XVII: Baluze, vol. 108, f° 89

Sperandei: Il est cité dans un acte du 2 février 832 en tant que vicaire, avec l'évêque Salomon, dans un jugement du comte Bérenger en faveur du monastère d'Arles.
Paraparius: Il est cité dans ce même acte du 2 février 832 parmi d'autres témoins (bonorum hominum).

Babila, abbé de Santa Maria de Vallespir, se rend dans la ville d'Elne et, en présence du comte Berenguer Ier, de l'évêque Salomo et de nombreuses autres personnalités, déclare que son monastère a une celle à Arles, dans la banlieue d'Elne, dans le Vallespir, mais que, malgré un précepte impérial qui l'approuve, certains agriculteurs l'ont accaparé. Après qu'une commission eut confirmé la véracité du témoignage et fixé les termes de la celle, le comte ratifie les droits de l'abbé.

Salamoni episcopiCastellanus abba … aliorum plurimorum bonorum hominum,Sperandeo vigario, Adefonso vicecomite, Parapario, Deodato presbitero, Onnone presbitero … Copie du XVIIe siècle, jugement du 2 février 832, Documents relatifs à la Marche d'Espagne
Baluze 117, f°312r © BNF

La représentation importante du groupe d'Elne-Arles sur Tech pose la question de la potentielle proximité avec celui de Jean. Jean a t-il connu Castellan lors de son périple de la Marca Hispanica vers Fontjoncouse ou après son installation à Fontjoncouse. Il est certain qu'ils se connaissaient, mais le lien et les circonstances les unissant nous sont inconnus.

A la suite de cet acte, deux autres actes "pro Hispani" sont diffusés en 815 (Louis le Pieux) et en 844 (Charles le Chauve).

IXe
Fin 814 ou 1 janvier 815 | Confirmation de Louis le Pieux
Aix-la-Chapelle
La confirmation
Précepte de l'empereur Louis, donné à la demande de son fidèle Jean, qui s'est confié à lui, confirmant et améliorant le précepte de son père Charlemagne sur la donation faite.

Les principaux participants & intervenants

  • Louis le Pieux | Roi des Francs
  • Jean l'Hispanus | Seigneur de Fontjoncouse (accompagné de son fils)
  • D'autres comtes de la marche d'Espagne sont aussi présents et siègent au tribunal, dont le comte Gaucelme, fils de Guillaume de Gellone

L'acte et ses copies

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Latin 11015 f°10 (XII<sup>e</sup> siècle) © BNF
Latin 11015 f°10 (XIIe siècle) © BNF

Ce que nous apprend cet acte

Jean vint à Aix plaider son différend avec le comte Adhémar auprès de Louis le Pieux, auquel il prêta alors l’hommage vassalique: il s'est placé lui-même entre les mains de l’empereur.

… qualiter quidam homo fidelis noster, nomine Johannes, veniens in nostra præsentia, in manibus nostris se commendavit.

C'est la dernière trace de l'existence de Jean que nous avons.

les éléments du paysage
(…) concedimus eidem fideli nostro johanne in pago narbonense villare Fontes et villaricello carbonilis, cum illorum terminos et pertinentias, cultum et incultum ab integre, et quantum ille in villa Fontejoncosa, vel in suos terminos, sive in alis locis, vel villis, sive villares occupavit, sive aprisionem fecit una cum suis hominibus, vel deinceps facere poterit, tam ille quam fili sui; (…)
villaricellum Carbonilis

①  | Carbonilis: villaricello ➝ les Carbonils.
Il est fait mention dans cet acte d'un nouveau hameau ajouté à Fontes et Fontejoncosa
villaricellum: diminutif de villare. Il s'agit d'un petit hameau.


Carbonils fait référence à une fabrication de charbon de bois.
Actuellement subsiste le lieu-dit Carbougnols, sur la rive gauche du ruisseau des Barras, entre la Cardorque, le mont Saint-Victor et le mourrel de la Rivière

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le lieu-dit Carbougnols 1962 © IGN
Le mourrel de la Rivière et le lieu-dit Carbougnols 1962 © IGN
Carbonils
Vallon et ruisseau des Barras

IXe
11 septembre 833 | Attestation en faveur de Teudéfrede, fils de Jean
Eglise Sainte Marie, Narbonne
Plaid de Teudéfrede

Dans ce document on retrouve les diffėrentes étapes de l'histoire de l'attribution de Fontjoncouse à Jean l'Hispanus

l'acte et ses copies

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© AD11 G6
G6 © AD11
Déposition de témoins certifiant que le village de Fontes au territoire de Narbonne a été cédé en aprisio par Louis le Pieux, alors roi d'Aquitaine, à Jean, père de Teudéfrede, et longtemps tenu et mis en valeur par Jean, avant d'être enlevé injustement par le comte Leibulf qui le concéda à un certain Dextro (qui l'occupe actuellement).
… quas profert Teudefredus in facie Dextro propter villare que vocant Fontes …
… usque quod Leibulfus comis eum abstulit ad Johanne sua fortia injuste absque judicio, et odie per lege et justitia ipse villares ab omne integritate cum omnes suos t[e]rminos et ajacentias earum plus debet esse de Teudefredo per aprisionem patri sui Johannem quam ad veneficio comitis vel vicedominis

De ce Dextro, on connait peu de chose. Il est cité en 840-841 dans une donation au monastère Saint-André d'Eixalada, dans le Conflent, effectuée par un groupe de cousins, de biens (et en particulier Fuilla (Fullà), villare Pauliano, situé aussi dans le Conflent) hérités de leurs parents et grands-parents, Dextro et Salbarico, Chindiberga et Chixilone, fils de Mascara, propriétés qu'ils tenaient depuis deux générations soit du temps d'Umar ibn Umar, gouverneur de Narbonne de 747 à ≈ 756.

Baluze 117 f°118r © BNF
Original perdu, Copie du XVIIe siècle, Baluze 117 f°118r © BNF
Et alias scripturas donationis quas fecerunt Vulo, Comendatus presbyter, Argimirus presbyter, Eralius, Addanasinda, Fluridia, Adesinda, Maior et Goteleba, Chindiberga, Cixilo. Alexander et Vurilio et Tructulfus monachus. Hii omnes fecerunt cartam donationis, pariter et Concessus monachus, de omnia quod vi- debantur habere in omni loco vel territoria, domos, ortos, vineas et terras, sive et villare Fauliano, cum fines suos, et abuerunt isti de parentes suos et avios Dextro et Salbirico, Chindiberga et Cixilone, qui fuerunt filii Mascarani, et tenuit ad proprium tempore quod regnavit Aumar ibin Aumar, regente Narbona. 20 juin 840 | 19 juin 841

Les principaux participants & intervenants

  • Les huit témoins cités
    (boni homines)
  • Liste transcrite n'excluant pas les erreurs ou variations d'ortographe des noms selon les versions du document.

    Hiricilane, Calapodius, Offilo, Ilianus, Hecesindus, Sidmorivus, Tremirus, Ermigildus
  • Etienne (Stephano) | vicedominus de Narbonne (833-)
  • Teudéfrede | fils de Jean l'Hispanus
  • Dextro (présence non confirmée)

Les éléments du paysage

La délimitation de l'espace se faisait principalement en s’appuyant sur les particularités du milieu naturel. On voit peu à peu apparaitre des éléments humains comme les villages et les chemins.

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Les limites de Fontjoncouse indiquées dans les actes et celles de 1839

Pilottes, pylhota, de pilat: porteau indiquant la limite d'une seigneurie
et dum Sturmio, comis, cum suos judices narbonenses in ipsum villare fuisset, sic inter jamdicto villare et villare que vocant gurgos terminos et limites misit, et invenit veteres, et misit nobos inter villare Fontes et villare Gurgos per ipsum ilicem ubi ipse comis caractere facere ordinabit, qui est ipse ilices secus via publica qui discurrit a Talusiano, et misit alium termine inte[r] jamdictum villare Fontes et villa Custodia per ipsam viam publica qui venit de Petra mala usque ad locum ubi vocant ad illum Vadello, et misit tertium termine in loco ubi ipsa via venit de villare Fontes et intrat in via publica qui venit de Petra mala. Carcassonne, AD Aude, G 6
  • ①  | Gurgos: villare ➝ Hydronyme, les Gours (gourgs), du latin gurges qui désigne les cuvettes (marmites) d'eau. Actuellement, il subsiste le lieu-dit "a Gours" à proximité du ruisseau de Soulane (Soulane désigne le versant exposé au soleil (adret), le ruisseau de Soulane coule au bas de la serre de la Camp côté sud) à l'est de la serrat de Montjoie sur la commune d'Albas.
    En fait Gurgos designait le secteur au pied de la serre de la Camp (Camp désignant ici un haut plateau pierreux), ou de nombreux ruisseaux formaient des cuvettes.
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    Ruisseau des Gourgs
    Ruisseau des Gourgs
    Ruisseau de la Soulane
    Ruisseau de la Soulane

  • ②  | Talusiano (Tolusian): via publica ➝côté midi
    (un des chemins de la via Corbariensis), chemin de Talayran (Talairan),
    Le chemin de Talayran, cadastre Napoléonien © AD11
    Le chemin de Talayran, cadastre Napoléonien © AD11
    Les éléments du paysage
    Le pech Louia
    Le Pech Louia
    Sur la Via Publica Talusiano (chemin de Talairan à Durban), le Ciste du Palats
    Sur la Via Publica Talusiano (chemin de Talairan à Durban), le Ciste du Palats


  • ③  | Custodia: villa ➝ côté Cers
    Coustouge, Poste militaire
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    Les éléments du paysage

    En bordure de falaise, l'arche perdue et les formations rocheuses.

    le Bec
    Le Bec
    En bordure de Devez
    En bordure de Devez
    En bordure de Devez
    En bordure de Devez
    L'arche perdue
    L'arche perdue

  • ④  | Petramala (peyremale): marqueur du paysage
    Oronyme, composé de petra pierre et mala mauvaise.
    Ce toponyme courant sous différentes formes pourrait faire référence à la mauvaise qualité de la pierre (pour la construction par exemple), mais dans notre cas il pourrait plutôt évoquer la présence d'un mégalithe, pierre païenne porteuse de malediction.
    Or nous avons sur le territoire du Palats, le dolmen de Palats, le coffre mégalithique de Moural Grand et le dolmen de la Mulgue.
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    Les éléments du paysage
    Domaine de palats
    Domaine de Palats dolmen de palats dolmen de palats dolmen de palats dolmen de palats
    Dolmen et Tumulus de Palats dolmen de la Mulgue
    Dolmen de la Mulgue

De Petramala à Palats

Au XIIe siècle, le lieu-dit Petramala est mentionné sous le nom:
Palacio (condamina de Palacio) dans l'acte de archevêque Arnaud de Lévezon (Acte G10 vers 1130), puis Palazol dans un engagement par Ponce de Mailhac (acte G7-5 en 1185). Palacio donnera Palax, Palatz, Palats vers les XV-XVIe siècles.
Le toponyme palacio (Palais) émerge à partir du Xe siècle dans l'Aude et la Catalogne, et dans les Corbières le long de l'antique chemin du même nom. On a cherché à rapprocher le toponyme de l'existence d'anciens établissements romains. Dans notre cas, le toponyme semble se substituer à celui de Petramala après le Xe siècle, lorsque le territoire de Fontjoncouse est la propriété de l'Archevêque de Narbonne. Le lien se trouve peut-être dans la proximité d'un édifice religieux (Saint Christophe), ou en tout cas dans la fonction. C'est cette même configuration que l'on retrouve près de l'ancien monastère Saint Pierre de Ruiferrer à proximité d'Arles sur Tech.


  • ⑤  | Vadello: locus ➝ côté autan
    Lieu-dit le Pourtel. Vadelum puis locus quem vocant Portellum

    Les éléments du paysage

IXe
5 juin 844 | 1re confirmationSaint-Sernin, Toulouse En faveur de Teudéfrede

l'acte et ses copies

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Baluze 374 f°221-222 © BNF
Baluze 374 f°221-222 © BNF

C'est aussi dans cet acte qu'il est rappelé la lettre que Louis le Pieux avait envoyée au comte Sturmion.

Ostendit etiam nobis epistolam domni et genitoris nostri Hludowici piissimi augusti ad Sturmionem comitem directam, ut præ dictam villam, id est Fontes, memorato Johanni absque ullo censu et inquietudine habere dimitteret, propter quam epistolam avus noster Karolus, ut in sua auctoritate continetur, illi fieri jusit hoc.
→ texte latin

IXe
7 Octobre 849 | Seconde confirmationNarbonne En faveur de Teudéfrede

l'acte et ses copies

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Baluze 374 f°228 © BNF
Baluze 374 f°228 © BNF
→ texte latin

Dans cet acte, le territoire de Fontjoncouse est donné en pleine propriété à Teudéfrède, ce qui n'était pas le cas jusqu'à présent, le Roi conservant ses droits de propriétés. En effet, il est dit que Teudéfrede en a la pleine jouissance, "et qu'il a le libre pouvoir dans toutes choses, de faire, de donner, de vendre ou d'échanger, et de laisser à ses héritiers."

Ita videlicet ut quicquid ab hodierna die et tempore exinde pro sua utilitate atque commoditate jure proprietario facere decreverit, liberam in omnibus habeat potestatem faciendi, donandi, vendendi seu commutandi et heredibus relinquendi.

Les trois églises de Fontjoncouse et la fin de la Lignée

On ne trouve plus d'acte se rapportant à la lignée de Jean pendant plus de 100 ans, il faut attendre l'année 963 avec cette donation du dernier descendant de Jean l'Hispanus.

On ne sait pas à quelle date cette donation fut effective. En 992, c'est assuré car il est fait mention dans le testament d'un certain Simplicius, chanoine de Saint Paul de Narbonne, d'un alleu de Fontjoncouse
“ (…) et ipsum alodem quem habui villa Imbrices, vel in Fonteginosa, vel in Fraxino, vel in villare quae vocant Perella, quae comparavi remaneat ad frate meo Nantelmo (…)

  1. Xe
    15 Mai 963 | La donation de Jean de Fontjoncouse
    964, 15 des calendes de mai
    Le déclin

    Dans l'acte de donation du 15 mai 963, Jean de Fontjoncouse et Ode sa femme, donnent à l'archevêque de Narbonne, Aymeri, l'alleu qu'ils possèdent à Fontjoncouse, avec les trois églises qui en dépendent.

    Archevêque: Aymeric († 977)
    Matfred, vicomte de Narbonne, fils de Richilde

    DOAT 55 page 72 © Archives de Narbonne
    DOAT 55 page 72 (copie exécutée en 1668) © Archives de Narbonne

    Une autre copie est disponible dans le tome V de l'inventaire des actes et documents de l'archevêché de Narbonne,recopié par Anthoine Rocque en 1640
    → texte latin

Le contexte

Dans la seconde moitié du IXe siècle, des actes de Carloman (881), Eudes (888) et Charles le Simple (899), reprenant quasiment la même expression, donnent à l’Église de Narbonne tout ce que les descendants des Hispani devaient à la couronne au titre du droit des terres fiscales.

Si vero infra istas villa, homines hostolenses vel Spani fuerint quidquid jus fici inde exigere debet, totum ad opus sanctae ecclesiae Narbonensis iure perpetuo concedimus obtinendum.
Si, dans les dites villae, (où) furent les hommes, hostolenses (hôtes) ou Hispani, ce qui devait être exigé par le droit du fisc, nous le concédons en entier à l’œuvre de la sainte église de Narbonne en droit perpétuel. Traduction Gérard Chouquer, 2014

En l'absence de descendant, cette donation de Jean s'effectue dans ce contexte.

Copie de l'acte du Roi Eudes en faveur de l'église de Narbonne en 888, MS 626 f°406, P. François Laporte (XVIII<sup>e</sup> siècle)
Copie de l'acte du Roi Eudes en faveur de l'église de Narbonne en 888, MS 626 f°406, P. François Laporte (XVIIIe siècle)

Les limites du territoire

Les limites du territoire de Fontjoncouse sont déterminées par rapport aux villae voisines: Cers: Coustouges, Meridiem: Albas, Orient: Cadorque et Aquilon: Donos.

Termini et limites et fines praefatae possessionis terminantur sie unus terminus ex parte orientis terminat in terminio de villam quae vocant Caturcina ex parte meridiei in terminio de villa Albares ex parle circii in terminio de villa Custoia; ex parte aquilonis in terminio de villa quas vocant Donas;

Cadorque (Caturcina): Localité disparue. Elle est citée en 859 dans l'acte de Charles le Chauve en faveur de son fidèle Gomesindus. Elle s'étendait depuis Fontjoncouse, le mont Saint Victor et le terroir de Salabert jusqu'au terroir de Durban, ce qui correspondait à la façade orientale de Fontjoncouse. De nos jours, on retrouve le lieu-dit la Cadorque entre Saint Victor et le Carlat.

(…) hoc est villare quod dicitur Donnas cum omnibus appendiciis suis, & in eodem pago alterum villare quod vocatur Catorcinos

Les lieux de culte

C'est le premier texte qui mentionne explicitement les lieux de culte. Sur trois lieux emblématiques du territoire, Jean et ses descendants ont fait construire trois églises:

Aux deux lieux originels, la première à la source des joncs (Fontejoncosa), la seconde à proximité de Petramala (lieu-dit Saint Christol) et la dernière sur le plus haut sommet embrassant l'étendue de son territoire, Saint Victor. Ceci a semblé définir un ordre de construction, en premier les églises des saint(e)s espagnols, en dernier saint Victor.

(…) alodem quem habemus in comitatu narbonense que vocant Fontem joncosam, cum omnibus suis adjacentiis inibi et limitibus, cum ecclesiis quæ ibidem sunt fundatæ : una quœ est mater ecclesia ipsius loci, quam vocant s. leucadiam , alia in honore beati christophori , tertia in honore sancti victoris (…)

Le mont Saint-Victor et sa chapelle depuis l'église Sainte Léocadie de Fontjoncouse
Le mont Saint-Victor et sa chapelle depuis l'église Sainte Léocadie de Fontjoncouse

Sainte Léocadie, vierge & martyre IVe

Leucadia | sancti

Persécutée sous Dacien, elle fut tellement saisie de douleur des traitements infligés aux chrétiens, qu'elle pria Dieu de la retirer du monde. Elle expira en prison en baisant une Croix qu'elle avait gravée sur une pierre avec son doigt (303).

Attributs: la croix et la palme, qu'elle partage avec Sainte Eulalie.
La palme est un emblème qui, dans l'art paléochrétien, est associé au triomphe sur la mort et aux martyrs (attribut générique).
La croix rappelle celle tracée par Léocadie sur une pierre de sa prison (attribut personel).

Sainte Léocadie, Cathédrale de Tolède
Cathédrale de Tolède: El Transparente (Le transparent)
XVIIIe siècle: L'image de Santa Leocadia, la palme et la Croix, œuvre de Narciso Tomé

Il existait jusqu'à la fin du VIe siècle, un office dédié à Sainte Léocadie pour commémorer sa mémoire. A partir du III Concile (589) marqué par la conversion du roi Récarède Ier, se développe les premières évocations de la fête de Sainte Léocadie. Elle est en particulier indiquée, dans le Martyrologe hiéronymien (av. VIIIe siècle), sous le titre de confessor, car sa mort fut la réponse à ses prières.

Idus Dec. Ravenna civitate, Ursionis, et Leocadii Confessoris (…)
Dans la copie du Cod. Sang. 914, monastère de St. Gallen, Règle de Saint Benoit, f°146, IXe siècle

Le culte, les reliques et les miracles

A la fin du VIIIe siècle, lorsque Jean, Ombolat le prêtre et son groupe s'installent à Fontjoncouse, quel pouvait être leur relation avec Sainte Léocadie. Quel était l'étendue du culte de Sainte Léocadie à ce moment là?

De Tolède …

Le Culte de Sainte Léocadie dans le rite wisigothique ou rite hispano-mozarabe

En quoi consistait le culte rendu à sainte Léocadie,

Le culte de Sainte Léocadie débute au VIIe siècle dans le but d'affirmer la place de Tolède en tant que capitale politique et religieuse de l'Espagne wisigothique. Il se développe principalement sous l'influence des archevêques de Tolède Eugène III (646-657) et de son successeur Ildefonse (657-667), inhumés dans la basilique de Sainte Léocadie extra muros, pour concurrencer celui de Sainte Eulalie de Merida, le choix du jour commémorant la mort de Sainte Léocadie (9 décembre) allant dans ce sens.

Salle Capitulaire de la Cathédrale de Tolède: Frise des archevêques: Eugène III et Ildefonse peints au XVI<sup>e</sup> siècle d'après leur masque funéraire
Salle Capitulaire de la Cathédrale de Tolède
Frise des archevêques: Eugène III et Ildefonse (avec le blason représentant l'apparition de la Vierge) peints au XVIe siècle d'après leur masque funéraire

  • Elle est mentionnée dans les livres de la liturgie hispano-mozarabe ancienne:
  • Dans les bréviaires (Breviarium)

    Dans un hymne daté du VIIe siècle, attribué à Eugène II et rapporté dans le "bréviaire mozarabe, Biblioteca Nacional de Madrid, mss. 10001", IXe siècle,

    bréviaire mozarabe, Breviarium mozarabum © Biblioteca Nacional de Madrid, mss. 10001, f°8
    De sancta Leucadia: Breviarium mozarabum, Hymni, Eugenius II Toletanus archiepiscopus sedit 646-657
    f°8, mss. 10001 © BNE
  • Dans les Antiphonaires (Antiphonarium): Recueil des chants de la liturgie wisigothique:
    Dans l'antiphonaire de León, daté du Xe siècle, se trouve un hymne Sit nomen domini benedictum en l'honneur de Saint Léocadie qui se chantait lors de la procession vers la tombe de Sainte Léocadie (Ad sepulcrum). Cette commémoration annuelle sur le lieu de la sépulture est aussi évoquée dans le Codex Veronensis LXXXIX daté du début du VIIIe siècle (av. 732 le plus ancien témoin de la liturgie wisigothique - Livre d'oraisons ), écrit à Tarragone et conservé à la bibliothèque de Vérone.

VIIIe siècle | Codex Veronensis LXXXIX © Bibliotheca de Verona

Ce manuscrit ne comprend pas de notation musicale.

LXXXIX f°14v
f°14v
LXXXIX & f°15v
f°18r

Xe siècle | Antinophaire de León © Archivo de la Catedral de León

Ce manuscrit ne contient que les chants quotidiens.

MS8 f°46v
Off[i]c[iu]m in die S[an]c[t]e Leocadie ad v[e]sp[e]rum
Office du soir (Vêpres) de Sainte Léocadie

MS8 f°47r
f°47r
Confessionem et decorem induisti amicta luce sicut vestimento
Tu es revêtu d’éclat et de magnificence. Tu t’enveloppes de lumière comme d’un manteau
MS8 "Ad sepulcrum" F°49v
"Ad sepulcrum" f°49v
Sit nomen domini benedictum alleluia amodo et usque in aeternum alleluia alleluia
Que le nom du Seigneur soit béni, alleluia, dès maintenant et à jamais, alleluia alleluia


  • Dans les vitae et les légendaires: Livres dans lesquels sont relatés la vie et les miracles des saints, et où l'on retrouve la passion de Léocadie, passion rédigée vers le milieu du VIIe siècle par Eugene II de Tolède ou, plus probablement, par son successeur Ildefonse

Xe siècle | Légendier de Saint Pierre de Moissac © Latin 17002 BNF

PASSIO SCE LEOCADIE VIRGINIS QUE EST V IDUS DECEMBRIS
f°195r
Légendier de Saint Pierre de Moissac © Latin 17002 BNF
Incipit In temporibus illis, dum post corporeum Salvatoris adventum
f°195v
Légendier de Saint Pierre de Moissac © Latin 17002 BNF
Desinit Domino consecravit. Cumque tam crudelium eius gestorum in Toletanam urbem ad b. Leocadiam percucurrisset fama, genibus in oratione positis(…)


  • Dans les chroniques mozarabes rédigées à partir de 754 par des chrétiens réfugiés dans les Asturies et qui racontent l'histoire de l'Hispanie de la fin du royaume wisigoth à la naissance de celui des Asturies.

976 | Códice Vigilano o Albeldense

f°343r
Códice Vigilano o Albeldense, f 343r, 976. Real Biblioteca del Monasterio de San Lorenzo de El Escorial &copy RBME
in baselica sce. leocadie tenet habitatione sepulcrum
Dans la basilique qui contient la sépulture de Sainte Léocadie

976-992 | Códice Emilianense

f°347v
Códice Emilianense ; Fuero Juzgo, f 347v, 976. Real Biblioteca del Monasterio de San Lorenzo de El Escorial &copy RBME
ac sic in uaselica sancte leocadie uirginis sore sepulcrali est tumulatus
et c'est ainsi qu'il fut enterré dans la basilique ou repose la sainte vierge Léocadie.
C'est ici la représentation de la basilique extra muros au lieu-dit Vega Baja

© Real Biblioteca del Monasterio de San Lorenzo de El Escorial


Les reliques de Sainte Léocadie

Lors du XVII Concile de Tolède (694), il est indiqué que le corps de Saint Léocadie reposait dans la basilique.

In ecclesia gloriosae uirginis et confessoris Christi sanctae Leocadiae, quae est in suburbio toletano, ubi sanctum eius corpus requiescit.
Les reliques de Sainte Léocadie quittent Tolède vers 717 et se retrouvent semble-t-il à Oviedo au début du IXe siècle (v. 814) ou l'on trouve dans la cathédrale, la crypte de Saint Léocadie qui aurait contenu les reliques de la Sainte (Cámara Santa "Chambre Sainte" édifiée au début du IXe siècle par Alphonse II).

Le passé inventé: Des miracles imaginés au Xe siècle

Vers 660, Ildefonse alors archevêque de Tolède, publiait son De viris illustribus (des hommes illustres) en rupture avec les écrits du même genre de ses prédécesseurs Jérome de Stridon et Isidore de Séville. Il introduit en effet les récits de miracles anciens et récents liés pour la plupart à Tolède dans le but de lui conférer le prestige nécessaire dû à la capitale du royaume wisigoth. Il cherche par cela à démontrer que Tolède et en particulier le siège épiscopal a été et est toujours un lieu d'interventions divines. Ces histoires miraculeuses au nombre de 13, commencent par celle d'Asturius (395-412), neuvième évêque de Tolède et inventeur des reliques des saints Just et Pasteur, et se finissent avec celle de l'archevêque Eugène II (636-646).

MIRACLE | Apparition de Sainte Léocadie

Ildephonse, par toi est maintenue ma souveraine qui règne au haut des cieux!


St Leocadia, vierge chrétienne de Tolède du IVe siècle et patronne de la ville, miraculeusement sortie d'un sépulcre en présence de Ildefonse (Ildephonsus † 667), archevêque de Tolède, et du Roi wisigoth Réceswinthe (Recesvintus), au VIIe siècle.
Après cet événement merveilleux, au cours duquel un fragment de son voile (relique) a été coupé comme preuve de sa visite publique, son corps a été enlevé de Tolède pour être préservé de la conquête musulmane.


XIIIe siècle | Besançon MS 0551 Gautier de Coinci, Miracles de Notre Dame

Besançon MS 0551 f°19v Gautier de Coinci, Miracles de Notre Dame, XIII<sup>e</sup> siècle
f°19v | Miracle de l'ouverture du tombeau de sainte Léocadie
Besançon MS 0551 f°102 Gautier de Coinci, Miracles de Notre Dame, XIII<sup>e</sup> siècle
f°102 | Saint Ildefonse tentant de garder une relique de sainte Léocadie

Selon la tradition, l'apparition de Léocadie est située au 9 décembre 665.

Chapelle de la Descente, Cathédrale de Tolède
Cathédrale de Tolède, Chapelle de la Descente
L'Image de l’Apparition de Sainte Léocadie (XVIIe siècle)

Quelques jours plus tard, le 18 décembre, un second miracle se produisit avec l'apparition de la Vierge Marie dans la cathédrale de Tolède pour donner une chasuble divine à Ildefonse.

reçois ce modeste présent de ma main, je l’ai prélevé pour toi dans le trésor de mon Fils; il t’est concédé pour que tu utilises la bénédiction de ce vêtement uniquement au jour de ma fête


Vita Vel Gesta Sancti Ildefonsi Toletaneae Sedis Metropolitani Episcopi

Cet évènement, comme celui de l'apparition de Saint Léocadie, fut rapporté pour la première fois dans un ouvrage intitulé la vie de saint Ildefonse Vita Vel Gesta Sancti Ildefonsi Toletaneae Sedis Metropolitani Episcopi dont la paternité a été longuement discutée. Les sources divergent sur l'auteur de cet ouvrage, il a été attribué soit à Cixila de León (911-932), originaire de Cordoue, fondateur du monastère des Saints Côme et Damien d'Abellar (et non pas à Cixila, archevêque de Tolède de 745 à 754), soit à un certain Heladius dont on sait peu de choses et qui aurait vécu lui aussi au Xe siècle.
La date de la fête de la Vierge Marie avait été fixée au 18 décembre (fête de l'Expectation de l'enfantement, fête de l'Ô), lors du Xe concile de Tolède en 656.

Copie du XIIIe siècle | Vida y obras de San Ildefonso, Mss 10087 © BNE


Miracle de Sainte Léocadie Mss 10087
Miracle de la Vierge Mss 10087

Ce second miracle est symbolisé par la vénération de la "pierre de la Descension" sur laquelle, selon la tradition du XIVe siécle, la Vierge aurait posé son pied lorsqu'elle descendit dans l'église (Chapelle de la Descente, Cathédrale de Tolède).
Cet évènement fait de la Vierge la patronne de Tolède au même titre que Sainte Léocadie.

Chapelle de la Descente, Cathédrale de Tolède
Cathédrale de Tolède, Chapelle de la Descente
L'Image de l'imposition de la chasuble à l’Évêque Saint Ildephonse (XVIIe siècle)


Les trois églises de Tolède dédiées à Sainte Léocadie

A l'époque de Jean (VIII-IXe siècle), il existait à Tolède trois églises dédiées à Sainte Léocadie: l'église Santa Leocadia de dentro de Toledo, l'église Santa Leocadia del Alcázar et la basilique Santa Leocadia extra-muros.

LÉGENDE | Église Santa Leocadia de dentro de Toledo

A l'endroit ou elle est née
La tradition de Tolède soutient qu'elle a été construite sur le terrain de la maison où la sainte est née, dans laquelle se trouvait une petite pièce souterraine, où l'on prétend qu'elle faisait la prière. Cette pièce correspondrait à la crypte située à côté du pilier droit du presbytère.

L'église actuelle date du XIII-XIVe s.
Sur la tour et sur la façade de l'église sont conservés, encastrés, quelques fragments de reliefs de style wisigoth, uniques témoins de l'ancienne église. La crypte a été restaurée par la reine Maria Luisa de Parme au début du XVIIIe siècle, mais les vestiges les plus anciens qui y ont été trouvés sont identifiés du XIIIe siècle.


A l'endroit ou elle a été emprisonnée

A différencier de l'autre église Sainte-Léocadie, située à côté de l'Alcazar (Santa Leocadia del Alcázar), construite par le roi wisigoth Sisebut à l'endroit où la sainte avait été emprisonnée (ancienne prison romaine), et dans laquelle ont été dėposées les sėpultures des rois wisigoths Réceswinthe et Wamba et qui est devenue par la suite au XVIe siècle le couvent des Capucins (Capuchinos)

A l'endroit ou elle a été enterrée

et de la basilique de Sainte-Léocadie extra-muros (in suburbio) construite en 618 par le même roi wisigoth Sisebut (612-621) sous l’épiscopat d’Helladius (au lieu dit Vega Baja, à proximité de l'antique église wisigothe du IV- Ve siècle dédiée à Sainte Léocadie construite sur le lieu de l'ancien cimetière romain ou l'on trouvait un élèment du souvenir de sa sépulture), sanctuaire le plus important avec la cathédrale, actuel ermitage du Cristo de la Vega.

ermitage du Cristo de la Vega
Ermitage du Cristo de la Vega, vers 1940

Donc à la fin du VIIIe siècle, ces trois églises de Tolède existaient et Jean et Ombolat en avaient connaissance.

Il n'existe pratiquement plus de preuve materielle de ces édifices wisigothiques.


… à Fontjoncouse

Désignée comme l'église mère (église principale, mater ecclesia), elle fut la première église construite par Jean et le prêtre Ombolat. C'est justement du fait de cette primauté et de l'origine tolédane de Sainte Léocadie qu'il a été suggéré qu'Ombolat était originaire de la région de Tolède ou du moins d'une contrée où le culte de Sainte Léocadie était le plus important. Dans la Marca Hispanica, le culte de Sainte Léocadie est peu répandu à la fin du VIIIe siècle, on ne peut que citer dans le comté d'Ausonne (au nord de celui de Barcelone), l'existence d'une église qui fin IXe siècle avait comme titulaires Sainte Eulalie de Merida et Sainte Léocadie de Tolède (Stes. Eulàlia i Leocàdia de Vic dépendant de St. Joan de les Abadesses)


Sainte Léocadie de Fontjoncouse: le portail de plein cintre à 4 rouleaux (XIIe s.)


En Septimanie, les principaux martyrs de l'église espagnole propagés par la liturgie mozarabe à partir du VIIe siècle sont Saint Vincent (Saragosse), Saint Félix (Girone) et Sainte Eulalie (Merida). Le culte de Sainte Léocadie y est moins répandu (Caunettes-en-Val, Luc sur Aude et Sainte Léocadie dans les Pyrénées-Orientales).
L'église Sainte Léocadie de Fontjoncouse telle qu'on peut la voir de nos jours date du XIIe-XIIIe siècle. Les statues du Christ en croix, de la Vierge à l'enfant et de Sainte Léocadie sont postérieures et datent du XIVe siècle. Il ne reste rien de l'époque des Hispani.

Statue de Sainte Léocadie (XIV<sup>e</sup> siècle) portant la pierre<br> Cliché Jean Pauc
Statue de Sainte Léocadie (XIVe siècle) portant la pierre
Cliché Jean Pauc

Le christ de l'église Sainte Léocadie (XIV<sup>e</sup> siècle)
Le christ de l'église Sainte Léocadie (XIVe siècle)

Vers 1920

Près de la source des joncs, l'actuelle église sainte Léocadie datée du XIIe-XIIIe siècle, ancienne chapelle du château

L'HYPOTHÈSE |Un autre emplacement pour l'église originelle

L'église actuelle pouvait-elle être seulement l'évolution de la chapelle du castrum actuel construit au XIIe siècle. Mais il n'y a aucune certitude sur un possible emplacement différent pour l'église d'origine citée en 963.


Le mont Redonnel sur le flanc duquel coule la source Saint Christol
Le mont Redonnel sur le flanc duquel coule la source Saint Christol

Saint Christophe, bienheureux et martyr IVe

Christophori | beati, bienheureux
(beati Christophori martyris christi dicatæ )
du Grec Χριστοφόρος

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LÉGENDE |Saint Christophe

Saint Christophe aurait vécu au milieu du IIIe siècle sous le règne de l’empereur Decius. Il était un soldat païen nommé Reprobus du peuple des cynocéphales, et qui par sa conversion eut comme nom de baptême: celui qui porte le Christ dans son cœur, et pour laquelle il fut martyrisé. Son éloquence et son apparence terrifiante ont fait se convertir des milliers de païens.


Deux versions existent: celle dite de Decius (passion de Saint-Christophe, BHL 1764 VIIIe: In temporibus illis erat multa insania, et multitudo coposia,
et celle dite de Dagnus (BHL 1766 IXe: In tempore illo regnante Dagno in civitate Samo homo venit de insula).


Dans la liturgie mozarabe, c'est la première version de la légende qui est utilisée et est invoquée lors des messes.

O beate mundi auctor atque rerum conditor qui non es acceptor omnis personae nec munerum sed dum quisque te requirunt ades clementissimus
Qui beatum caeli civem Christophorum martyrem eximiis a caenulento limo pravi germinis glorioso tuo nutu praesciendo Attrahis

L'hymne raconte toutes les souffrances du martyr et ses prodiges, suivant le même ordre que celui du Passionnaire de Silos.

O beate mundi auctor, Breviarium mozarabum, f°70 © BNE
O beate mundi auctor, Breviarium mozarabum, f°70 © BNE


L'autre histoire, celle racontée par l'église occidentale, celle de Saint Christophe porteur du Christ, n'apparait qu'à partir du XII-XIIIe siècle, en particulier avec l'ouvrage de l'Évêque de Gènes, Jacques de Voragine, la légende dorée (Legenda aurea) racontant la vie des Saints. Par la même occasion, il perd son rapport à l'animal au profit d'une image plus humaine le représentant comme un géant.

Jacobus de Voragina, Legenda aurea. Latin 1747, 1260-1298 © BNF Sancto Cristoforo, Legenda aurea, Jacobus de Voragina, f°346, Latin 1747, 1260-1298 © BNF

Il était passeur de gué en Asie Mineure et la légende rapporte qu'un jour il passa le Christ (déguisé en enfant devenant de plus en plus lourd) sur ses épaules. Patron des voyageurs, de nombreuses chapelles aux abords des gués lui furent dédiées.

La Légende des Saints de Jacques De Voragine, traduction de Frère Jehan De Vignay, Hospitalier de l'ordre de Haut Pas, 1348 © BNF Saint Christofle. La Légende des Saints de Jacques De Voragine, traduction de Frère Jehan De Vignay, Hospitalier de l'ordre de Haut Pas, f°349 1348 Français 241 © BNF

Le peuple des Cynocéphales

Un peuple d'hommes à tête de chien est mentionné par divers auteurs anciens: l'historien grec Hérodote du Ve siècle av. J.-C. dit qu'ils viennent de Libye, mais la plupart des autres sources les mettent en Inde, en particulier dans le compte-rendu le plus complet qui subsiste, celui écrit par le médecin et historien grec Ctesias de Cnidos dans l'Indiká (Histoire de l’Inde) du Ve siècle avant notre ère


A l'époque carolingienne, le discours sur les Cynocéphales reste hérité du bestiaire antique et des ouvrages d'Isodore de Séville (560-636: Etymologiae) et Raban Maure (780-856: De universo), ces derniers mettant en exergue leur monstruosité comme emblème du paganisme et du péché.
Cynocephali appellantur eo quod canina capita habeant, quosque ipse latratus magis bestias quam homines confitetur. Hi in India nascuntur. Isidore, Etym. XI, III: De portentis, 15.
feuillet d'un diptyque d'Areobindus; revers: plaque de reliure: les Ordres de la création, dite du Paradis terrestre © RMN-Grand Palais (musée du Louvre) / Adrien Didierjean
Plaque dite du Paradis terrestre, 870 OA 9064
© RMN-Grand Palais (musée du Louvre) / Adrien Didierjean
Un exemple est donné avec le dyptique byzantin d'Areobindus daté VIe siècle, dont un des panneaux a été réutilisé et sculpté à l'époque de Charles le Chauve vers 870 (panneau dit du Paradis Terrestre) où l'on trouve Adam et Eve et les différents ordres de la Création dont les Cynocéphales (satyres, cynocéphales et minotaure sur la 3ième rangée en partant du haut)

La propagation du culte oriental de Saint Christophe

Saint Christophe était vénéré dans l'Empire romain d'Orient de langue grecque à partir du milieu du Ve siècle. Après que l’empereur romain d’Orient Justinien (535-540) ait reconquis une partie de l’ancien empire romain d’Occident, le culte de saint Christophe s’implante en Italie. A cette même époque, il gagne l'Espagne. Son culte se propage aussi vers le Liban (Mosaïque de l'église de Qabr Hiram vers 575), puis le Sinaï et l'Égypte.
Selon la tradition, de retour de Constantinople vers 586, Léandre, évêque de Sėville rapporte à Tolède les reliques de Saint Christophe et lui élève avec Isodore un monument dans la cathédrale. C'est aussi grâce à Jean de Biclar, ėvêque de Gérone que le culte de Saint Christophe se répand dans toute la Catalogne à la suite au IIIe concile de Tolède (589). Dès le VIIIe siècle, on le trouve dans les livres liturgiques de Gérone, Barcelone et Vich et dans le calendrier du diocèse d'Elne.

De la Bethynie au Ve siècle

Ve: L'inscription d'Haïdar Pacha
La plus ancienne mention connue de Saint Christophe date de 452 à Haïdar Pacha aux environs de la basilique disparue de Saint Euphemie où a été trouvé dans les ruines d'une église de l'ancienne Chalcédoine, une inscription sur une pierre relatant la fondation et la consécration de cette église en l'honneur de Saint Christophe.
Συν θεφ άπετέθη τα θείΛελικ του ρ,αρτυριου του αγίου Χριστόφορου ίνδ(ικτιώνος) γ' [a(yjvI) Μχ'ϊω |/.ετα τν]ν ύτττκτείχν Πρωτογενούς καΐ Άστουρίου των λκ[/.πρ(οτάτων) επί Θεοδοσίου βασιλέως κα[1] Εύλκλίου έπισχ.6(που) Χαλκηδόνος. Κτίζετε δε τταρα τν^ς σε- (Λνοπρ(επείχς) ·Λουβικουλ«ρί[ου] Εύφη[Λίου, κ sel έγένετο ή κατάθεσις texte recopié par l'historien et philologue Matthaios Paranikas, 1877


À la Macédoine au VIe siècle

VIe: Le carreau de Vinica

Un carreau en terre cuite associant Saint Christophe à Saint Georges, les deux saints guerriers, daté du V-VIe siècle, trouvé lors des fouilles d'un petit sanctuaire près de Vinica en Macédoine du Nord et conservé au musée de Skopje.
Les saints Christophe (à gauche) et Georges (à droite) perçant de leur lance deux serpents à tête humaine, incarnation du mal/diable (Symbolique chrétienne d'origine biblique: le serpent dans Gn 3,1 et le dragon dans Ap 12,9)
Saint Christophe et saint Georges partagent dans leurs mains une croix (symbole du martyr) et un bouclier, emblème militaire.

© Musée de Macédoine, Skopje
© Musée de Macédoine, Skopje
+ DNS OS VIRTUTUM
EXAUDI NOS +
XPOFORUS
GEORGIUS
D(omi)n(u)s D(eu)s virtutum | Exaudi nos | XPOforus | Georgius
Seigneur, Dieu de l'univers, Exauce-nous
Ancien testament Psaume 84:9

Puis l'Espagne à partir du VIe siècle

Le culte de Saint Christophe se développe principalement à partir du VIe siècle dans le sud de l' Espagne.


VIe: L'inscription d'Alange

Il a été trouvé une inscription à Alange au lieu-dit Dehesa de la Arguijuela, dans la province de Badajoz, Extrémadure, datée du VIe siècle.

Inscription d'Alange N°393 © Museo Arqueológico Provincial de Badajoz

Inscription d'Alange N°393 © Museo Arqueológico Provincial de Badajoz
[---]+ATVR XPOFORI SCI[---]
+T PERPETVA PAX
[---]EGREDIENTIBUS

VIIe: La basilique de Guadix

Son nom est mentionné parmi les reliques conservées dans la basilique de Guadix en 652.


VIIe: Le monastère Saint Christophe de Cordoue

Il existait près de Cordoue extra muros, un monastère dédié à Saint Christophe où fut recueilli un certain nombre des sépultures des martyrs de Cordoue (l'existence de ce monastère est antérieure à l'islamisation de la péninsule et donc aux martyrs de Cordoue Leovigild et Christophe († 852)).

Sancti Christophori monasterium, incoluit, quod situm est in spectaculum urbis, in parte Australi super crepidinem ulteriorem Betis.
Euloge de Cordoue, Memorialis Sanctorum, Libri II, caput 4, 857

IXe: Sant Cristòfol de Fonolleres

Dans la province de Gérone, se trouvait au IXe siècle une église dédiée à Saint Christophe à Fonolleres (Sant Cristòfol de Fonolleres reconstruite au XVIe).


Xe: L'autel de Saint Michel de Escalada

Dans la province de León, il est aussi mentionné un saint Christophe sur une des trois tables d'autel (listes des reliques déposées dans l’église à l’occasion de la consécration du nouvel édifice en l’an 913) du monastère Saint Michel de Escalada restauré sur les ruines d'une ancienne église wisigothe par des moines chrétiens venus de Cordoue au IXe siècle pour échapper aux persécutions des autorités musulmanes (règne de Muhammad Ier) dans le contexte des martyrs de Cordoue.

Il s'agit de martyrs de l'Église dont Saint Assicle, premier martyr de Cordoue. Cordoue possédait des reliques de saint Christophe, ce qui laisse penser que celui qui est cité ici est le Saint Christophe du IVe siècle et non pas celui qui fût avec Léovigild, martyrisé en 852.

Saint Michel de Escalada. Table de l'autel de l'abside gauche. © Utrero y Murillo
+ HIC SUNT RELIQUIE RECONDITE
SANCTE MARINE
ET SANCTE CECILIE
ET SANCTI ACISCLI
ET SANCTI CRISTOFORI
ET SANCTE COLUMBE.
Inscription du début du Xe siècle

Pour quelles raisons Jean a dédié une chapelle au culte de Saint Christophe?

Le culte de Saint-Christophe était répandu dans toute l'Espagne à l'époque de Jean et d'Ombolat, mais ce n'est pas le thème du passage et du porteur du Christ, qui n'existait pas de son temps, qui l'a conduit à élever une chapelle à cet endroit.
Plusieurs interprétations sont possibles pour expliquer le choix de saint Christophe, saint guerrier ayant la capacité de convertir les païens et de protéger des forces du mal:

Le choix de son emplacement, à proximité des mégalithes, pierres associées à des rites païens et porteuses de malédiction (petramala: pierre mauvaise), dont l'ancienneté est relative dans l'esprit des gens du Haut Moyen Âge,

Le territoire des mégalithes: le dolmen de Palats
Le territoire des mégalithes: le dolmen de Palats

La fondation d'une chapelle à proximité semble compenser l'absence de Christianisation (réoccupation ou réutilisation) du dolmen de Palats.

Dans une région toujours exposée aux incursions musulmanes, la recherche de la protection de Saint Christophe contre les païens est toujours d'actualité. (…) ereticos sive Sarracenos infideles.


La chapelle Saint Christophe et lieu-dit Saint Christol
Saint Christol
Saint Christol

Elle fut peut-être la seconde église construite. Sur le chemin de Fontjoncouse à Durban, en suivant le ruisseau de Palats, on longe sur la rive gauche, les Fontanelles puis la Cura et enfin le mont Redonnel où prend naissance la source dite de Saint Christol, et sur la rive droite le plateau de Saint-Christol où au lieu dit Le camp de la Gleizo se trouvait la chapelle Saint-Christophe. Les ruines étaient encore visibles dans les années 1935.

A proximité, sur le terroir de Sainte Léocadie, terroir situé juste au nord de celui de Saint Christol, on trouve le lieu dit combam sacerdotis, la coume du prêtre.


Le terroir de Saint Christol
Lieu-dit Saint Christol

Au sud, à l'entrée sur le palats près du col de Pilote, on trouve le lieu-dit Prebeyre du latin presbyter, prêtre.

Le col de Pilote et le Carla
Le col de Pilote et le Carla

Saint Victor, martyr

Victoris| sancti
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En suivant le principe évoqué précédemment, la chapelle Saint-Victor serait le troisième édifice religieux construit par les descendants de Jean.
La chapelle Saint-Victor est construite 600 m à l'est du village. Le site choisi, en bordure d'un plateau, surplombe le territoire de Fontjoncouse.

On est tenté de rapprocher cette chapelle à l'abbaye Saint Victor de Marseille fondée au Ve siècle par le moine chrétien Jean Cassien, dont on suppose qu'elle fut une celle. Il n'y a pas d'autres sources sur cette chapelle mais les relations, l'influence, les réseaux de soutien à Saint-Victor, et plus tard les dépendances de Saint Victor de Marseille dans les comtés de la Marca Hispanica (Barcelone, Gérone, Ausone et Urgel), Narbonne et Lagrassse, ont certainement joué un rôle dans la création de cette chapelle.
Elle semble abandonnée après cette donation et n'est refondée (sur les bases de la chapelle originelle) que fin XIIe siècle par un abbé dissident de Fontfroide, Pierre de Lerce qui y construit un monastère. Le qualificatif "Montveyre, Monte Vitres" n'apparait qu'à cette époque.
En 1206, le monastère de Saint Victor devient la propriété de l'abbaye de Fontfroide.

Porche de la chapelle Saint Victor
Portail actuel (arc brisé) de la chapelle Saint Victor
La chapelle Saint-Victor La chapelle Saint-Victor
Ce qu'il reste de la chapelle Saint-Victor datée du XIIe-XIIIe

Les textes du XIIe s.

1197 | Privilèges de l’abbaye de Fontfroide H211 f°61 © AD 11


1197 | latin 12760 f°446 confirmé en 1200 © BNF

Gaucerand de Fontjoncouse, sa femme Ricsevende et leurs enfants donnent à Pierre de Lerce tout le Montveyre, confronté d'orient avec la Berre, de midy avec le Pech Barbut, de Cers avec les Carbonils, d'Aquilon avec le chemin de Cadorque, pour en user à sa guise, à condition qu'aucune femme n'y demeure.


La chapelle Saint-Victor
La chapelle Saint-Victor de Pierre de Lerce

En 1202, Amaury, vicomte de Narbonne confirme à Dieu et à Pierre de Lerce, la maison et l'église fondée en l'honneur de Dieu, de Sainte Marie et de Saint Victor.