Les deux principaux vents audois sont le Cers et le Marin.
Les vents du Narbonnais
La rose des vents du massif de la Clape
La rose des vents en Narbonnais
- Cers, Cèrç (Ouest/Nord-Ouest)
- Le Grec, Gregau (Nord-Est)
- Levant (Lever du soleil = Est)
- Vent d'Espagne, Miègjorn (Sud)
- Labech ou Garbin (Sud-Ouest)
- Narbounés, Pounent, Ponent (Coucher du soleil = Ouest)
Le Narbonnais est un pays de vents, soumis principalement au Cers, vent de terre, violent venant du secteur Ouest Nord-Ouest et sa contrepartie, le Marin, vent de mer comme son nom l'indique, venant du secteur Est, Sud-Est.
On rencontre aussi de façon plus épisodique, le Grec (l'Aquilon) venant de la mer du Nord-Est annonciateur de pluie, le Labech (OSO), et le vent chaud d'Espagne venant du Sud.
Le Cers souffle environ 270 jours par an avec des rafales pouvant atteindre 120 km/h. Froid en hiver, chaud en été, toujours sec, il chasse les nuages vers le large et amène le beau temps.
Le Marin, plus régulier, amène humidité et brumes côtières. Il est souvent accompagné de fortes pluies.
Ethymologie du Cers
Le nom de Cers vient du latin Circius, vent divinisé, et pour lequel les romains auraient construit un temple sur les hauteurs de la colline de St Cyr (entre Ouveillan et Sallèles d'aude à environ 10km de Narbonne au NO) suite à la visite de l'Empereur Auguste à Narbonne en 27 av. J-C. Aucun vestige n'a cependant été trouvé mis à part les restes d'un aqueduc qui passe au bas1.
Sur l'origine du mot Circius, deux hypothèses s'affrontent; dans la première, il serait issu du grec, kirkios qui signifie tourbillon (Isaac Vossius, XVIIe s.), tandis que dans la seconde, l'origine serait celte cyrch qui signifie violence, impétuosité ( W. Camden, P. Merula XVIIe s.).
Le Cers dans les écrits anciens
- Cercius, IIe av. JC (Caton l'Ancien Les Origines, VII)
Circius, Ier siècle av. JC (Vitruve)
Circius, Ier siècle apr. JC (Sénèque, Pline)
Circius, IIe siècle apr. JC (Aulu-Gelle)
Circius, VIIe siècle apr. JC (Isidore de Séville)
Circio, IX-XVIe
Cyerce, XVIe (Rabelais)
Cers, à partir du XVIIe siècle
Caton l'Ancien, Les Origines, VII:
(texte original) "Le vent Cercius s'engouffre dans la bouche quand on parle. Il est si violent qu'il ébranle un homme armé et même un chariot chargé." | |
Vitruve, De l'architecture, Tome I,6:
|
Favorinus, in Aulu-Gelle:Les Nuits Attiques II,6 (IIe siècle apr. JC): |
Sénèque, Questions naturelles, Livre V, XVII: |
Pline l'Ancien Histoire Naturelle Livre II, XLVI: |
Isidore de Seville: De natura Rerum, 37.1 |
Rabelais: Pantagruel
"Ce bon vent du Languegoth que l'on nomme Cyerce! Le noble Scurron, médicin, passant un jour par ce pays, nous contoit qu'il est si fort qu'il renverse les charrettes chargées." |
Pèire Godolin: Las obras, le Ramelet Moundi, chant Royal (Cant rouyal)
(texte original) Que le Cers et l’Autan s’affrontent l’un et l’autre." |
Si tous s'accordent sur la violence et l'impétuosité du Cers, Vitruve précise sa direction, en le plaçant entre le favonius (Vent d'Ouest) et le caurus (vent de Nord-Ouest), soit en général sa direction prédominante (Ouest-Nord-Ouest).
Le nom Circius avant le Cers
Auteur | Date de publication approx. | Nombre de directions dans la rose des vents | Nom du vent de secteur NNO 30° à l'ouest du nord |
---|---|---|---|
Aristote | 340 av. JC | 10/12 | Thrascias (θρασκίας) |
Théophraste de Eresos | 300 av. JC | 10/12 | Thrakias ou nom local Circias |
Timosthenes | 282 av. JC | 12 | Thrascias ou Circius |
Thrascias (comme l'Argeste cité aussi par Aristote) sont des vents du nord-nord-ouest et du nord-ouest.
Description des côtes, des îles et des ports de l'Océan atlantique et de la Mer Méditerranée. Thracias et Circius dans la rose des vents issue du livre d'Aristote. 1504-1515 © BNF
Avant de désigner un vent local, le nom Circius avait déjà été utilisé par Timosthènes de Rhodes vers 282 avant JC. Il est le premier à mettre en correspondance la direction du vent (localisation géographique par rapport à Rhodes) et les peuples qui y habitent dans sa rose de douze vents. Ainsi le vent Thrascias, en grec θρακίας (en latin Circius) de direction NNO se rapporte au peuple Celte.
Ce n'est qu'au Ier av. JC, que la direction des vents Thrascias et Circius se différencieront.
Les vents en tant que confronts au Moyen-Âge
Les vents ont été aussi utilisés pour indiquer les confronts d'un territoire, d'une parcelle de terre ou d'une habitation, parce qu'ils étaient connus de tout le monde. Ainsi le terroir de Saint-Pierre del Lec (Armissan) dans la Clape est défini de la manière suivante au IXe siècle (Circio désignant ici le Cers et donc l'Ouest Nord Ouest, et Altan, un vent de haute-mer, le marin et donc l'Est Sud Est).
Le Cers en tant que confront reste prédominant tout au long du Moyen-Age.
- Saint-Pierre del Lec
- NNE
de aquilone in recho vocato valle marchia (Ruisseau de Doms) qui descendit de monte qui dicitur seu vocatur Cerna Megayra, - SSO
de meridie in via que transit per medium bastide de Mojano (Moujan) quod venit de mari apud Narbonam, - ONO
de circio in stanno vocato Sals, (étang salin) - ESE
de altan in camino qui venit de Ermissano (Armissan) apud Narbonam. -
Altan (du latin altanus, vent haute mer): Ventus qui pelagi, Altamus vocatur.
Maurus Servius Honoratus (IVe siècle)
Ce qui donnera par la suite le nom "vent d'Autan" pour indiquer la direction.
Au XVIIe siècle dans les archives municipales de Narbonne, on peut ainsi lire:
"du vent de Cers et acquillon, et du costé de marin et midy jusques aux terroirs de Val-de-Galbe, ..." (1612)
"Bail consenti au sieur Boussounel pour les travaux de fermeture de la brèche qui s'est formée au côté cers (ouest) du canal de la Robine, près de l'Ardailhon." (1699)
On trouve aussi au XVIe siècle, le terme Ponent au lieu et place du Cers, pour désigner l'Ouest, le couchant.
La Tramontane et pas le Cers
Bien que l'origine du nom Tramontane soit plus récente que celle du Cers, (il apparait pour la première fois dans les écrits au XIIIe siècle), il est communément utilisé de nos jours pour désigner tout vent soufflant de la terre vers la mer sur la côte languedocienne.
Nombreux sont ceux qui s'élèvent contre l'omniprésence de l'utilisation de la Tramontane au détriment de celle du Cers, soulignant l'identité perdue et l'histoire oubliée.
- tramontaine, 1265 (Brunetto Latini, li Livres dou Tresor)
tremuntana / tramontana, 1276 (Raymond Lulle, le livre de contemplation de Dieu)
tramontana, 1298 (Rustichello de Pise, le devisement du monde)
tramontaine, 1328 (anonyme, l'entrée d'Espagne)
Les Vents dominants
Statistiques: Direction des vents sur le littoral de la Clape
Si la direction prédominante du Cers est l'ONO (rhumb 27), elle peut varier de part et d'autre ce qui a conduit à dénommer ces directions "Hypocircius" (rhumb 28) et "Mesocircius" (rhumb 26).
Pour le Marin, le rhumb est l'ESE (11).
Une nature marquée par le vent:L'anémomorphose: Cers & Marin
L'anémomorphose
- Anémomorphose: du grec anémos vent et morphos forme. Désigne le processus réversible de la réponse de croissance de la plante à des vents dominants. C'est une accomodation (caractères non fixés génétiquement) et non pas une adaptation qui elle serait transmissible à la descendance (caractères fixés génétiquement).
L'arbre penché et le port en drapeau (croissance asymétrique)
La nature est soumise à la force du vent qui imprime sa marque particulièrement sur les arbres dont les troncs sont penchés selon une inclinaison vers le secteur E - SE. Le développement des branches est aussi moins important sur le côté exposé au vent (dissymétrie du développement).
L'arbre rampant pour limiter son emprise au vent (croissance horizontale)
L'arbre rampant pour limiter son emprise au vent
Île de Saint-Martin | La Clape
Arbres soumis au Marin
Arbres soumis au Cers
Les plages submergées: épisodes méditerranéens
Lors des tempêtes (épisodes méditerranéens), le Marin participe à la submersion des plages et au gonflement des lagunes côtières.
- Les épisodes méditerranéens sont dûs à des remontées d'air chaud, humide et instable en provenance de la Méditerranée et de direction sud, sud-est, qui peuvent générer des orages violents parfois stationnaires et ainsi que des submersions.